Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/544

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
534
LITTÉRATURE.

s’avançaient vers elle, de sorte qu’il la serrait presque dans ses bras. »

« Oui, s’écria-t-il, je vous ai offensée, je le sais bien ; oui, je suis rude, grossier : mais je vous aime, Hélène ; oh ! cela, je vous défie d’en douter. Et si vous n’avez pas pitié de moi, vous qui êtes si bonne, Hélène, qui réconciliez ceux qui se haïssent… » Et voyant qu’elle se défendait faiblement : « Dites que vous me pardonnez ! Faites-moi des reproches, punissez-moi, châtiez-moi, j’ai tout mérité. Oui, vous devez me châtier comme un enfant grossier. Hélène, dit-il, en osant poser son visage sur ses genoux, si vous me frappez, alors je croirai qu’après m’avoir puni vous me pardonnez. »

» Ghérard était beau ; une de ses joues s’appuyait sur les genoux d’Hélène, tandis que l’autre s’offrait ainsi à la peine. Il était là, tombé à ses pieds avec grâce, et elle ne se sentit pas la force de l’obliger à s’éloigner. Elle leva la main et l’abaissa vers son visage ; puis sa tête s’abaissa elle-même avec sa main : elle sourit doucement en le voyant ainsi penché sans en être vue. Et sans le vouloir, et en se laissant aller à son cœur et à sa pensée qui achevaient le tableau commencé devant ses yeux, sur le visage de Ghérard, au lieu de sa main, elle posa ses lèvres. »

» Elle se leva au même instant, effrayée de ce qu’elle avait fait, et cherchant à se dégager des bras de Ghérard qui l’avaient enlacée. Le cœur de Ghérard nageait dans la joie, et ses yeux rayonnans allaient chercher les yeux d’Hélène sous leurs paupières abaissées. « Oh ! ma belle amie, lui dit-il en la retenant ; comme un bon chrétien, j’aurais baisé la main qui m’eût frappé ; voudriez-vous m’empêcher d’achever ma pénitence ? » Et plus hardi, à mesure qu’elle était plus confuse, il la serra dans ses bras, et il rendit à ses lèvres qui fuyaient les siennes, le baiser qu’il en avait reçu. »

» Elle alla s’asseoir à quelques pas de lui, et l’heureux Ghérard, pour dissiper le trouble qu’il avait causé, com-