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LITTÉRATURE.
Plus qu’à demi noyés, et cachant leurs épaules
Dans leurs cheveux pendans, comme on voit des nageurs ;
De petits horizons nuancés de rougeurs ;
De petits fonds rians, deux ou trois blancs villages
Entrevus d’assez loin à travers des feuillages ;
— Oh ! que j’y voudrais vivre, au moins vivre un printemps,
Loin de Paris, du bruit, des propos inconstans,
Vivre sans souvenir ! —

Dans cette retraite heureuse et variée, l’âme de Farcy s’ennoblissait de jour en jour ; son esprit s’élevait, loin des fumées des sens, aux plus hautes et aux plus sereines pensées. La politique active et quotidienne ne l’occupait que médiocrement, et sans doute, la veille des ordonnances, il en était encore à ses méditations métaphysiques et morales, ou à quelque lecture, comme celle des Harmonies, dans laquelle il se plongeait avec enivrement. Nous extrayons religieusement ici les dernières pensées écrites sur son journal ; elles sont empreintes d’un instinct inexplicable et d’un pressentiment sublime :

« Chacun de nous est un artiste qui a été chargé de sculpter lui-même sa statue pour son tombeau, et chacun de nos actes est un des traits dont se forme notre image. C’est à la nature à décider si ce sera la statue d’un adolescent, d’un homme mûr ou d’un vieillard. Pour nous, tâchons seulement qu’elle soit belle, et digne d’arrêter les regards. Du reste, pourvu que les formes en soient nobles et pures, il importe peu que ce soit Apollon ou Hercule, la Diane chasseresse ou la Vénus de Praxitèle.

» Voyageur, annonce à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir à ses saints commandemens.

» Ils moururent irréprochables dans la guerre comme dans l’amitié.

» Ici reposent les cendres de don Juan Diaz Porlier, général des armées espagnoles, qui a été heureux dans ce qu’il