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LITTÉRATURE.

vers le Louvre, du côté du Carrousel ; les soldats royaux faisaient un feu nourri dans la rue de Rohan, du haut d’un balcon qui est à l’angle de cette rue et de la rue Saint-Honoré ; Farcy, qui débouchait au coin de la rue de Rohan et de celle de Montpensier, tomba l’un des premiers atteint de haut en bas d’une balle dans la poitrine. C’est là, et non comme on l’a fait, à la porte de l’hôtel de Nantes, que devrait être placée la pierre funéraire consacrée à sa mémoire. Farcy survécut près de deux heures à sa blessure. M. Littré, son ami, qui combattait au même rang, et aux pieds duquel il tomba, le fit transporter à la distance de quelques pas dans la maison du marchand de vin, et le hasard lui amena précisément M. Loyson, jeune chirurgien de sa connaissance ; mais l’art n’y pouvait rien : Farcy parla peu, bien qu’il eût toute sa présence d’esprit : M. Loyson lui demanda s’il désirait faire appeler quelque parent, quelque ami ; Farcy dit qu’il ne désirait personne ; et comme M. Loyson insistait, le mourant nomma un ami qu’on ne trouva pas chez lui, et qui ne fut pas informé à temps pour venir. Une fois seulement, à un bruit plus violent qui se faisait dans la rue, il parut craindre que le peuple n’eût le dessous, et ne fût refoulé ; on le rassura ; ce furent ses dernières paroles ; il mourut calme et grave, recueilli en lui-même, sans ivresse comme sans regret. (29 juillet 1830.)

Le corps fut transporté et inhumé au Père Lachaise dans la partie du cimetière où reposent les morts de juillet.

Les amis de Farcy n’ont pas été infidèles au culte de la noble victime ; ils lui ont élevé un monument funéraire qui devra être replacé au véritable endroit de sa chute. M. Colin a vivement reproduit ses traits sur la toile. M. Cousin lui a dédié sa traduction des Lois de Platon, se souvenant que Farcy était mort en combattant pour les lois. Et nous, nous publions ses vers, comme on expose de pieuses reliques.

Mais, s’il nous est permis de parler un moment en notre propre nom, disons-le avec sincérité, le sentiment que nous inspire la mémoire de Farcy, n’est pas celui d’un regret vul-