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LA ROSE ROUGE.

sautèrent des yeux, ses bras retombèrent sans force, et il alla rouler à ses pieds.

— Oh ! par pitié, par ce qu’il y a de plus sacré en ce monde, par la tombe de ta mère, Blanche, Blanche, consens à devenir ma femme : il le faut, tu le dois.

— « Oui, tu le dois, jeune fille, interrompit une voix étrangère qui les fit tressaillir et se relever tous deux ; tu le dois, car c’est le seul moyen de conserver une vie qui commence à peine ; la religion te l’ordonne, et moi je suis prêt à bénir votre union. »

Marceau, étonné, se retourna, et il reconnut le curé de Sainte-Marie-de-Rhé, qui faisait partie du rassemblement qu’il avait attaqué la nuit où Blanche devint sa prisonnière. — Oh ! mon père, s’écria-t-il en lui saisissant la main et en l’entraînant ; oh ! mon père, obtenez d’elle qu’elle consente à vivre.

— Blanche de Beaulieu, reprit le prêtre avec un accent solennel, au nom de ton père, que mon âge et l’amitié qui nous unissaient me donnent le droit de représenter, je t’adjure de céder aux instances de ce jeune homme ; car ton père lui-même, s’il était ici, ferait ce que je fais.

Blanche semblait agitée de mille sentimens contraires ; enfin elle se jeta dans les bras de Marceau : — Ô mon ami ! lui dit-elle, je n’ai point la force de te résister plus long-temps. Marceau, je t’aime ; je t’aime et je suis ta femme.

Leurs lèvres se joignirent ; Marceau était au comble de la joie ; il semblait avoir tout oublié. La voix du prêtre l’arracha bientôt à son extase. — Hâtez-vous, enfans, disait-il, car mes instans sont comptés ici-bas ; et si vous tardez encore, je ne pourrai plus vous bénir que des cieux.

Les deux amans tressaillirent : cette voix les rappelait sur la terre !

Blanche promena autour d’elle des regards effrayés. — Ô mon ami, dit-elle, quel moment pour unir nos destinées ! quel temple pour un hymen ! Penses-tu qu’une union con-