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VOYAGES.

gés d’autant de richesses. Aussi les bonnes grâces de nos hôtes nous furent entièrement acquises, et si la perte du navire eût été consommée, nul doute que la protection de Palou n’eût amené le salut d’une partie de l’équipage.

Les chefs, lorsqu’ils n’étaient point en conférence avec notre commandant, passaient leur temps assis sur la dunette. C’est de ce poste élevé que Palou haranguait plusieurs fois par jour la meute avide de ses sujets, qui n’attendaient qu’avec impatience le moment où la mer les enrichirait de nos dépouilles. Souvent la voix du bon insulaire était tremblante et émue ; et quoique les trois Anglais nous assurassent de la puissance illimitée de Palou, nous sentions que ce chef lui-même prévoyait une circonstance où tout son pouvoir serait débordé par l’ardeur du pillage qui animait cette multitude jusqu’alors obéissante.

Heureusement, comme je l’ai dit, nous n’eûmes pas à supporter une aussi cruelle épreuve. Lorsque l’Astrolabe, favorisé par un temps plus doux, vogua enfin loin de ces tristes récifs, les naturels prirent assez gaiement leur parti, et résolurent dès-lors de se procurer, par un commerce d’échanges, ces richesses tant enviées qu’ils avaient espéré acquérir à meilleur marché.

Cette résolution, toute à notre bénéfice, reçut bientôt son exécution. À peine l’ancre eut-elle touché le fond devant Pangaï-Modou, qu’une foule de pirogues environna la corvette, convertie dès ce moment en un vaste marché. Avant la fin du jour, elle se remplit de vivres excellens que les naturels échangeaient en profusion contre des bagatelles brillantes ou des objets d’une utilité plus réelle. En très peu de temps, la prodigieuse activité de ce commerce fit naître entre ces