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RÉVOLUTION POLONAISE.

nages les plus marquans de l’ancienne Pologne et les plus connus par leur patriotisme, appelés pour rédiger avec lui la constitution du nouvel État, épuisèrent alors toute leur éloquence et leur érudition, pour prouver au fils de la république française que les paysans polonais devaient rester esclaves, et que sans l’hérédité du sénat, les idées démagogiques précipiteraient la Pologne dans la plus affreuse anarchie. Napoléon leur imposa silence, et dicta lui-même l’article suivant de la charte du duché de Varsovie : « L’esclavage est aboli, tous les hommes sont égaux devant la loi. » Après la chute du bienfaiteur de la Pologne, le duché de Varsovie (moins le duché de Posen, les villes de Bromberg, de Thorn, de Culm et de Cracovie) passa à l’empereur Alexandre ; il s’agit alors de lui donner une nouvelle constitution ; la coterie des doctrinaires, à la tête de laquelle se trouvait Czartoryski (actuellement président du gouvernement national), et le comte Louis Plater (actuellement chargé d’affaires de Pologne à Paris), présenta un projet de constitution purement aristocratique ; mais Alexandre le déchira, et en fit rédiger un autre, plus libéral que la charte française de 1815. Nous avons vu ces mêmes doctrinaires s’efforcer de négocier, car c’est des étrangers seuls qu’ils espèrent l’hérédité du sénat, et peut-être la distribution des biens nationaux en leur faveur.

Rendons justice à chacun ; l’illustre Czartoryski n’est point initié aux intrigues des doctrinaires. Rejeton de la famille royale des Jagellons, propriétaire de terres immenses, jouissant de tous les honneurs que méritent sa probité et son patriotisme, il n’est aristocrate que par des opinions erronées[1], qu’il a déjà abandonnées en grande partie.

  1. La Société royale des Amis des Sciences de Varsovie l’a chargé d’écrire l’histoire de Pologne sous la dynastie des Jagellons. On assure qu’il a déjà plusieurs fois brûlé son manuscrit, trouvant toujours qu’il lui manquait quelque chose ; car il cherchait, et toujours en vain, à prouver à priori, d’après les exemples de l’Angleterre ou de la république française, la nécessité pour la Pologne d’une aristocratie constituée.