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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

des Samnites, la république s’organise : les patriciens, avides de priviléges ; les plébéiens, avides de liberté, sont dans une lutte continuelle. C’est une guerre intérieure, une guerre de principe : la pierre du foyer domestique (hestia, vesta), la pierre des limites (zeus herkeios), sont déterminées par des lois ; et cette lutte, terminée par la promulgation des Douze Tables, assure à la classe plébéienne le triomphe sur l’envahissement progressif du patriciat.

Cependant la jouissance de cette liberté ne sera que momentanée. La puissance des grands résidait tout entière dans leur richesse, et dans le sentiment religieux que le peuple avait bien voulu conserver pour les Étrusques ses fondateurs ; mais les patriciens augmenteront leurs richesses au moyen de la guerre, et, à défaut d’un sentiment superstitieux, imposeront peu à peu leur joug au peuple, en éblouissant ses yeux par toute la pompe des triomphes et tout le prestige des conquêtes.

Suivons le peuple romain dans ses excursions victorieuses. Il va, il court dans le Latium, il renverse tout ; la puissance de son nom soumet les peuples devant lesquels il se présente, et ses premiers efforts se terminent par la dépopulation entière du Samnium. Le voilà bientôt dans l’Épire ; le bruit de ses armes retentit jusqu’à Carthage, et voici les guerres puniques.

C’est avec un rare talent que l’auteur fait ressortir la haine des deux peuples, de ces peuples si acharnés l’un contre l’autre qu’à Trasymène un tremblement de terre ravagea la contrée sans qu’aucun des combattans s’en aperçût. Le chapitre consacré à Annibal, l’existence guerrière de ce grand capitaine ; les travaux surnaturels de cet homme, qui, après avoir soumis la nature en se frayant une route parmi les Alpes, fit trembler la capitale du monde avec une poignée de braves ; puis après ses victoires, Annibal, obligé, pour conserver sa conquête, d’avoir recours à des alliés, abandonné à lui-même par une patrie ingrate qu’il enrichissait de sa gloire : tout cela est décrit avec intérêt, avec entraînement. Mais Annibal mort, Numance et Carthage détruites, la conquête du monde a porté malheur à la capitale du monde. Viennent les disputes intestines. Ce n’est plus une guerre de principes : Rome s’est habituée à l’esclavage dans la cité, pendant que les Romains pliaient sous la volonté de leurs chefs militaires ; toutes ces conquêtes ont élevé quelques citoyens au-dessus des autres : c’est une guerre, d’homme à homme. Les Gracches ont succombé : le peuple est le butin que doivent se partager les familles triomphales ; et aux insolens priviléges des Scipions a succédé la suprême puissance d’un dictateur. C’est à Rome que l’on