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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

d’autre effet que de mettre le peuple en garde contre les machinations secrètes. Aujourd’hui même, l’abbé Pulaski m’a apporté à signer une longue pétition, dans laquelle on prie le dictateur d’en permettre l’ouverture. — Et vous l’avez signée ? — Oui ; car le dictateur a le droit de fermer les clubs, mais non celui d’empêcher qu’on en redemande l’ouverture. Toutefois, j’ai annoncé à l’abbé Pulaski que sa demande lui serait refusée. — Mais pourquoi l’avez-vous signée ? dit Chlopicki avec impatience. — Parce qu’il n’y avait rien d’illégal dans cette démarche. J’ai même différé de signer, et engagé l’abbé Pulaski à se procurer un grand nombre de signatures, afin de le dégoûter par ces longueurs d’une démarche inutile — Il paraît au reste que tout ceci n’est qu’une mystification comme celle de mon prétendu voyage au quatrième régiment de ligne ; on a voulu sans doute parler de mon frère, dont le village est près de la résidence de ce régiment. — Vous n’y étiez donc pas ? — Il y a une année que je ne suis sorti des barrières. Ces bruits ridicules n’ont cours que dans vos antichambres. Je ne connais point l’accusation dirigée contre moi, mais je suis sûr qu’elle ne repose que sur des inventions de cette nature. »

À ces mots, le dictateur fit quelques pas en arrière, se disant à lui-même : « Peut-être est-il innocent ; Dieu fasse qu’il en soit ainsi ! »

Cet entretien fut suivi de l’arrestation de Lelewel. Voici les faits qui la motivèrent :

Le dictateur ne pouvait souffrir les discours, souvent exaltés, des clubs ; conseillé par le juste-milieu, il les ferma tous. Blâmant eux-mêmes l’extravagance de quelques-uns de leurs orateurs, les clubistes furent loin de s’offenser de cette mesure : ils accueillirent au contraire avec enthousiasme la seconde dictature ; mais la conduite équivoque de Chlopicki envers la Russie, les intrigues des comtes et du juste-milieu les réunirent de nouveau, et ils formèrent une société dont les séances se tenaient publiquement au café de Honoratka, sous la présidence du nonce Cantorbery Tymowski. Cette