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RÉVOLUTION POLONAISE.

société fut aussi dissoute par le dictateur, et c’est à cette occasion que l’abbé Pulaski apporta à Lelewel la pétition dont il est question plus haut. On disait que le refus de Chlopicki de consentir à la réouverture du club serait le signal de l’insurrection ; que l’artillerie et le corps des sapeurs étaient de ce complot, ainsi que les lieutenans-généraux Szembek et Krukowiecki ; que Lelewel était à Praga, chez les sapeurs ; qu’il avait non-seulement insurgé le quatrième régiment de ligne, mais entraîné dans sa conspiration plus de deux cents individus de la garde d’honneur de Chlopicki, etc. etc. Les espions russes étaient sans doute les auteurs de ces trames, qui firent de nombreuses dupes. Plusieurs personnes furent tellement effrayées de cette prétendue conspiration, que le comte Léon Rzewuski voulait brûler la cervelle à Lelewel, pour délivrer, disait-il, la patrie d’un pareil monstre. On voulait lui faire sur-le-champ son procès ; l’instruction en fut confiée à Bonaventure Niemoïowski, ministre de la justice ; mais il refusa son assistance, ne voulant pas compromettre l’honneur d’hommes estimables, mais aveuglés par leur haine de l’anarchie.

Le bruit de l’arrestation de Lelewel fit une grande sensation dans la capitale ; une foule inquiète remplissait les antichambres du dictateur, qui put alors connaître les dispositions du peuple. Un grand nombre de ses gardes d’honneur, ayant à leur tête Adam Gurowski et Nabielak, se présentèrent à lui. Dans un discours plein de chaleur et d’énergie, Gurowski offrit sa tête et celle des siens pour gage de la délivrance de Lelewel. Vinrent ensuite les membres du conseil suprême national ; se regardant comme outragés par l’arrestation d’un de leurs collègues, ils apportaient leur démission à Chlopicki.

Son cœur honnête fut ému à ce spectacle ; il s’aperçut, quoique un peu tard, qu’il était le jouet d’infâmes intrigues. Il écouta avec bienveillance les paroles sévères de Gurowski et de Nabielak ; déclara aux membres du conseil suprême qu’il abdiquerait lui-même la dictature, s’ils persistaient