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RÉVOLUTION POLONAISE.

même qu’on voulait ôter la dictature à Chlopicki. Un grand nombre de patriotes, qui craignaient que la députation chargée de la surveiller ne se crut pas assez forte pour tenter cet acte de vigueur, vinrent lui offrir leur appui. D’un autre côté, les partisans de la dictature se refusant à croire que Chlopicki fût l’ennemi le plus dangereux de la révolution, traitaient de calomnies les bruits qui couraient sur son entrevue avec les députations ; et, s’imaginant que ce n’était qu’une faction qui menaçait le dictateur, ils projetaient d’en finir avec Lelewel qui en était, disaient-ils, le chef ; ils parlaient d’envahir sa maison, et de l’assassiner pour le plus grand bien de la patrie. L’un de ces furieux n’hésitait même pas à faire le sacrifice de sa vie pour empoisonner, en prenant du thé, Maurice Mochnacki et Adam Gurowski, qu’il regardait comme les plus ardens romantiques. Ainsi on était à la veille d’une guerre civile. Ces dissensions n’eurent heureusement aucune suite sérieuse, car l’événement ne tarda pas à montrer quel homme était Chlopicki.

Dans cette même soirée du 16 janvier, le docteur Wolff, médecin et ami particulier du dictateur, avoua publiquement, en sortant de chez lui, que, par suite d’émotions violentes, son esprit lui paraissait affecté d’une complète aliénation. Cependant Chlopicki conservait son pouvoir, et malgré ses protestations, il semblait disposé à accepter le commandement en chef de l’armée ; mais le docteur Wolff dissuada fortement de le lui confier, car, disait-il, il peut à chaque instant retomber dans ses accès de folie.

Tant d’emportement avait refroidi ses alentours ; et lorsque la députation décida de lui ôter le pouvoir, la défection fut complète. Le 18 janvier, il était presque seul : tous les généraux, tous les membres du gouvernement, ses aides-de-camp eux-mêmes l’avaient abandonné. Cependant la députation retardait encore l’envoi de sa destitution, voulant lui laisser la faculté de se démettre lui-même de son autorité. Ces ménagemens portèrent leur fruit, et le même jour, vers midi, Chlopicki envoya sa démission.