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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

De nouveaux débats s’élevèrent entre la diète et le club sur la forme du gouvernement. Les doctrinaires, toujours effrayés du fantôme de la république, obligèrent la diète à déclarer qu’en prononçant la déchéance de la famille des Romanoff, elle ne désavouait nullement les principes monarchiques ; mais la société patriotique s’empara de cette idée, et l’on vit dès-lors ce mot terrible apparaître dans ses discussions journalières. Pour la seconde fois depuis la révolution, Lelewel occupa le fauteuil à l’une de ses séances, et laissa aux orateurs la liberté de parler contre les voies tortueuses de la diplomatie et en faveur de la république. Cette indulgence déplut aux doctrinaires ; Félix Saniewski, rédacteur en chef de leur journal (le Polonais consciencieux), en fut tellement effrayé, qu’il fit rayer son nom de la liste des membres de la société patriotique, et publia dans son journal une espèce de défi à Lelewel et au ministre de la justice, Bonaventure Niemoïowski, les invitant à publier leur profession de foi politique, et à déclarer franchement s’ils étaient pour ou contre la république, sous peine de passer pour les Marat et les Robespierre de la Pologne[1]. Lelewel et Niemoïowski dédaignèrent de répondre ; mais la société patriotique, pour se venger des doctrinaires et rendre un nouvel hommage à la démocratie, célébra un service funèbre en l’honneur du cordonnier Jean Kilinski, qui le premier déploya, en 1794 l’étendard de l’insurrection sous les auspices de Kosciuszko, et chassa les Russes de Varsovie. Après cette

  1. Ces terreurs de la république étaient d’autant plus ridicules, que la constitution du 3 mai 1791 avait déjà changé la république monarchique de Pologne en une monarchie constitutionnelle. D’ailleurs, l’ancienne royauté polonaise était appuyée sur les décisions et sur les pacta conventa de la première diète d’élection, en 1573. Cette diète tint ses séances aux champs de Wola, à l’endroit même où s’élèvent aujourd’hui les fortifications de Varsovie, et où se décidera sans doute le sort de la Pologne. Avant de procéder à l’élection du premier roi électif (Henri de Valois), elle agita et résolut la question de savoir si la royauté est nécessaire à la Pologne.