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SAYNÈTE.

Don Félix.

C’est l’usage !… à quoi servira donc ce pain ? pourquoi alimenter un corps qui sera en cendres dans une heure ?… N’est-ce pas une sanglante ironie des hommes de me faire continuer les fonctions de la vie qu’ils vont arrêter pour moi ? Oh ! personne… personne à mes derniers momens : mère, amante, parens, tous m’ont abandonné… Les liens de l’humanité sont rompus pour celui qui en a violé les lois. Plus de famille pour le parricide, plus de société pour le meurtrier, plus de religion pour le sacrilége ! Que devenir !… Oh ! si l’enfer même allait reculer devant moi !

(Entre dona Maria.)
Don Félix.

Dona Maria… sur la terre !… dona Maria !…

Dona Maria.

C’est moi… Je viens mourir…

Don Félix.

Mourir… vivre… être condamné, absous, exécuté, délivré, peu importe… je vous revois, vous daignez revenir…

Dona Maria.

Je reviens pour vous apporter la mort.

Don Félix.

La mort qui me vient de vous vaut mieux que la grâce accordée par un autre.

Dona Maria.

Don Félix, nous avons commis un grand crime… n’espérons ni pitié, ni grâce… Quel est ce bruit sourd ?…

Don Félix.

C’est le vent peut-être…

Dona Maria.

Dans une heure, tu mourras dans les flammes, et moi dans les douleurs… Il vaut mieux mourir ici ensemble… J’ai là du poison…

Don Félix.

Du poison !… Merci… dona Maria… (Il lui prend la fiole des mains.) Mais il est pour moi… pour moi tout entier… Vous…