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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

anéanti l’esprit de tribu, le génie isolé de la vie patriarcale, engendré un caractère public et national, propre aux conquérans, qui se maintenaient dans leurs conquêtes par un appel constant au patriotisme de leurs membres, à la hiérarchie d’ordre militaire, et à l’égalité fraternelle qui régnaient dans leurs rangs, enfin à l’unité politique d’un puissant empire. Il a enflammé dans l’homme l’esprit d’indépendance, il l’a ramené à l’action libre, à laquelle, jusque-là, il était demeuré étranger. Enfin l’héroïsme a sorti l’homme de la sphère des méditations, pour l’entraîner dans le cercle des affaires.

Cependant la religion héroïque n’offre, comme religion, aucune solution à l’intelligence, car elle organise le combat, et non pas la victoire. Pour présenter cette solution, il faut que le Verbe, devenu homme, ramène à lui l’humanité souffrante, et la conduise au fond des cieux. Mais, si le système des deux principes, en attaquant la fatalité, brise son joug, et tend à renverser l’institution des castes héréditaires, cette organisation de la société primitive en professions enchaînées à certaines formes de l’existence ; il n’en élève pas moins une autre barrière entre les vainqueurs et les vaincus, barrière inconnue précédemment, où la nature, et non pas l’homme, enchaînait la liberté. C’est cette distinction des deux races qu’une troisième forme de la religion païenne a été appelée à effacer, en choisissant ses élus dans toutes les classes de la société indistinctement, et en descendant jusqu’à l’esclave, pour rehausser en lui l’humanité. Cette croyance n’admet pas deux cieux, le ciel des vainqueurs et le ciel des vaincus ; elle n’institue pas deux banquets différens de la vie divine, où les tables sont dressées, dans l’un pour les seigneurs, dans l’autre pour les esclaves.