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LE RENDEZ-VOUS.

Le vieillard regarda sa fille avec étonnement. Deux larmes qui roulaient dans ses yeux tombèrent le long de ses joues ridées. Ne pouvant embrasser Julie devant la foule dont ils étaient environnés, il pressa tendrement la douce main qu’il tenait. Quand il remonta en voiture, toutes les pensées soucieuses qui s’étaient amassées sur son front avaient complètement disparu.

L’attitude un peu triste de sa fille l’inquiétait bien moins que la joie innocente dont elle avait trahi le secret pendant la revue.

§ II. — LA FEMME.

Dans les premiers jours du mois d’avril 1814, un peu moins d’un an après la revue de l’Empereur, une vieille calèche roulait sur la levée d’Amboise à Tours.

En quittant le dôme vert des noyers sous lesquels la poste de la Frillière est cachée, la voiture fut entraînée avec une telle rapidité, qu’en moins d’une minute elle arriva au pont bâti sur la Cise à son embouchure dans la Loire. Mais l’équipage s’arrêta là, car un trait venait de se briser par suite du mouvement impétueux que, sur l’ordre de son maître, un jeune postillon avait imprimé à quatre des plus vigoureux chevaux du relais.

Ainsi, par un effet du hasard, deux personnes qui se trouvaient dans la calèche eurent le loisir de contempler, à leur réveil, un des plus beaux sites que puissent présenter les prestigieuses rives de la Loire.

À sa droite, le voyageur embrasse d’un regard toutes les sinuosités décrites par la Cise qui se roule, comme un serpent argenté, dans l’herbe des prairies les plus opulentes, et auxquelles les premières pousses du printemps, donnaient alors les vives couleurs de l’émeraude.

À gauche, la Loire apparaît dans toute sa magnificence. Les innombrables facettes de quelques roulées, produites par une