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LITTÉRATURE.

venantes, et mes discours révélaient de la malice justement parce qu’ils étaient sans malice. Je faisais mille enfantillages avec ce voile nuptial, avec cette robe et ces fleurs !…

» Restée seule le soir dans la chambre où j’avais été conduite avec apparat, je méditai quelque espièglerie pour intriguer Victor, et en attendant qu’il vînt, j’avais des palpitations de cœur semblables à celles qui me saisissaient autrefois en ces jours solennels du 31 décembre, quand, sans être aperçue, je me glissais dans le salon où les étrennes étaient entassées.

» Lorsque mon mari entra, qu’il me chercha, le rire étouffé que je fis entendre sous les mousselines dont je m’étais enveloppée, a été le dernier éclat de cette gaîté douce qui anima les jeux de notre enfance. »

Quand la marquise eut achevé de lire cette lettre, qui commençant ainsi contenait de bien tristes observations, elle posa lentement ses lunettes sur la table, y remit aussi la lettre ; puis, fixant sur sa nièce deux yeux verts dont l’âge n’avait pas affaibli le feu clair et perçant :

— Ma petite, dit-elle, une femme mariée ne doit pas écrire ainsi à une jeune personne…

— C’est ce que je pensais, répondit Julie avec un accent déchirant, j’avais honte de moi pendant que vous la lisiez…

— Si à table un mets ne nous semble pas bon, il n’en faut dégoûter personne, mon enfant ? reprit la vieille avec bonhomie ; surtout, lorsque depuis Ève jusqu’à nous, le mariage a paru chose si excellente…

Julie saisit la lettre, et la jeta au feu.

— Vous n’avez plus de mère ?… dit la marquise.

La comtesse tressaillit, et pleura, puis elle leva doucement la tête et la baissa comme pour dire :

— J’ai déjà regretté plus d’une fois ma mère, depuis un an !…

Elle regarda sa tante, et un frisson de joie sécha ses larmes quand elle aperçut l’air de bonté qui animait cette vieille fi-