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LE RENDEZ-VOUS.

à sir Arthur un de ces coup-d’œil fins, qui disent tout ce que les femmes pensent.

— Oh ! s’écria-t-elle, je voudrais rester toujours ici !… Peut-on jamais se lasser de voir cette belle vallée ? Savez-vous le nom de cette jolie rivière ?…

— C’est la Cise !…

— La Cise !… répéta-t-elle.

— Et là-bas ? devant nous ?… Qu’est-ce ?…

— Ce sont les côteaux du Cher, dit-il.

— Et sur la droite… Ah ! c’est Tours !… Oh ! voyez donc quel effet produisent les clochers de la cathédrale dans le lointain !…

Puis, elle resta muette, et laissa tomber la main qu’elle avait étendue du côté de la ville, sur la main d’Arthur. Tous deux silencieux contemplèrent le paysage et les beautés de cette nature harmonieuse. Le murmure des eaux, la pureté de l’air et du ciel, tout s’accordait avec les pensées qui vinrent en foule dans leurs cœurs aimans et jeunes.

— Oh ! mon Dieu ! que j’aime ce pays ! répéta Julie avec un enthousiasme croissant et naïf.

— Vous l’avez habité long-temps ?… reprit-elle. À ces mots, lord Grenville tressaillit.

— C’est là, répondit-il avec mélancolie, en montrant un bouquet de noyers sur la route ; là, que je vous vis pour la première fois…

— Oui, mais j’étais déjà bien triste ; cette nature me sembla sauvage, et maintenant…

Elle s’arrêta, lord Grenville n’osa pas la regarder.

— C’est à vous, dit enfin Julie, après un long silence, que je dois ce plaisir… Il faut être vivante pour éprouver les joies de la vie, et, jusqu’à présent, j’ai été morte à tout bonheur. Vous m’avez donné plus que la santé, vous m’avez appris à en sentir toute la valeur…

Les femmes ont un art merveilleux pour exprimer leurs sentimens, sans employer des paroles trop vives ; leur élo-