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VOYAGES.

teurs menaçantes qui pèsent sur moi, des précipices profonds qui s’ouvrent à mes pieds, mais un chemin étroit où je suis sûr de ne rencontrer personne, quoique la nature bienveillante l’ait embelli de quelques fleurs modestes qu’on chercherait inutilement ailleurs. Si un ruisseau, qui ne se trahit que par son murmure, le borde de temps en temps, caché d’un côté sous la voûte oblique des montagnes, voilé de l’autre par une ombre impénétrable, il n’a jamais répété sur sa glace obscure que le faible mouvement des rameaux qui le couronnent comme un dais. Jamais il n’a bercé les feux du soleil ou l’argent des étoiles ; et quand il s’abîme dans le torrent commun, après avoir paisiblement accompli sa course entre des rives inconnues, il y disparaît sans nom comme s’il n’avait pas été. C’est ainsi qu’il est doux de passer sur la terre.

Vous connaissez la composition de notre petite caravane, et il est inutile de vous dire avec quelle confiance mes intrépides voyageuses vont tenter des sentiers inconnus qui leur donnent de nouvelles difficultés à braver. Devant elles, marchent mes excellens guides, Gabriel Payot et Michel Faveret. Vous savez qu’il n’y en a point qui réunisse à un plus haut degré toutes ces qualités, si infaillibles d’ailleurs chez la plupart des guides de Chamouny, qui font de ces braves gens une des classes d’hommes les plus estimables de la société. À une politesse naturelle et sans effort, à une obligeance à toute épreuve, à un dévouement que nul péril ne peut effrayer, les guides de Chamouny joignent en général une instruction peu approfondie, mais extrêmement précieuse pour le voyageur. Presque tous associés à la propriété d’un de ces cabinets d’histoire naturelle que nous avons si curieusement explorés, ou au moins leurs tributaires par intérêt ou par goût, ils ont appris de la routine, mère désavouée, mais authentique de la méthode, une foule de noms spécifiques qu’ils appliquent d’une manière assez sûre, et qui mêlent à leurs renseignemens sur les localités quelques-unes des initiations de la science. Ils n’oublient dans