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L’ESPAGNE TELLE QU’ELLE EST.

rituel, et le maintient dans les ténèbres de l’ignorance : que d’élémens à refondre, de pouvoirs malfaisans à paralyser, de vices, de corruptions et de préjugés à épurer ! Quel médecin assez hardi introduira le fer dans cette plaie, qui ronge de jour en jour plus profondément les parties vitales de la malheureuse Espagne ? Les remèdes mitigés sont désormais inefficaces, et les plus violens, les seuls capables d’opérer, peuvent déterminer une crise effroyable.

III. — AGRICULTURE, FIEFS, SUCCESSIONS, ETC.

Dans la plus fertile contrée de l’Europe, l’agriculture est dans l’état le plus misérable. Cette calamité doit être attribuée à plusieurs causes ; mais la principale tient à la nature des fiefs, et au mode de transmission de leurs propriétés. Les trois quarts de la surface territoriale de l’Espagne, y compris les terres de l’église, sont indivisibles, et consistent en majorats inaliénables et biens de main-morte. Ce mot majorat, mayorazgo (dérivé de mayor, premier né), indique le droit du fils aîné à l’héritage d’une certaine propriété de famille, sous la condition de la transmettre entière à ceux qui devront la posséder au même titre que lui après sa mort. Mais la signification de ce mot a reçu par l’usage une singulière extension. Outre un droit de succession à perpétuité à titre de primogéniture, le même terme désigne à la fin la cause qui produit ce droit ou cet accident de la naissance, la propriété ainsi transmissible, le possesseur actuel de cette propriété, et la personne qui lui touche de plus près dans l’ordre de succession.

Les majorats, ou mayorazgos, sont de cinq espèces : 1o l’agnacion rigorosa, qui attribue la succession aux descendans mâles en ligne directe à l’exclusion des femmes ; 2o l’agnacion artificiosa, en vertu de laquelle la succession est dévolue aux héritiers mâles en ligne droite, et, à leur défaut, aux mâles du premier degré dans la ligne féminine ; 3o l’agnacion