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RÉVOLUTIONS DE LA QUINZAINE.

La parole de l’homme est chose bien légère,
Quand la guerre civile et la guerre étrangère,
Poussant un pauvre état vers sa destruction,
Jettent une promesse à chaque ambition.

(Il s’assied.)
LE COMTE, s’approchant de lui.

Sire, ce vieux château, depuis ses premiers maîtres,
Compte dans ces caveaux douze de mes ancêtres,
Qui, couchés aux lueurs de funèbres flambeaux,
Dans leurs linceuls de fer dorment sur leurs tombeaux…
Descendons, et cherchons à chacun la blessure
Dont l’atteinte mortelle a troué son armure ;
Puis le jour de leur mort ensuite nous dira
En quels combats divers chacun d’eux expira.
Alors vous connaîtrez que tous, frappés en face,
Sont morts, chacun des miens pour un de votre race…
Et cet examen fait, sire, malheur à vous
Si vous doutez de moi, de moi, dernier de tous !
Azincourt pour le vôtre a vu mourir mon père :
En défendant vos droits je mourrai, je l’espère ;
Et plus tard à son tour, faisant ce que je fis,
Mon fils, s’il m’en naît un, mourra pour votre fils.

LE ROI, se levant.

Comte de Savoisy, regardez-nous en face !…
Nous sommes comme vous le dernier d’une race :
Nos deux frères aînés, l’espoir de la maison,
Sont morts… et quelques-uns disent par le poison ;
Philippe de Bourgogne et Jean six de Bretagne,
Mes beaux-frères, tous deux font contre moi campagne ;
Ma mère, qui devrait m’être un puissant soutien,
Achèterait mon sang de la moitié du sien ;
Chaque jour quelque grand vassal qui m’abandonne
Comme un fleuron vivant tombe de ma couronne :
Eh bien ! un seul instant avons-nous hésité
À remettre nos jours à votre loyauté ?…
Notre suite, il est vrai, si le cas le réclame,
Est formidable et peu nous défendre : une femme,
Deux pages, un bouffon, trois fauconniers ; et si
Même dans ce moment Charles de Savoisy,