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RÉVOLUTIONS DE LA QUINZAINE.
LE ROI.

Écoutez encore ! Ah !…

LE COMTE.

Écoutez encore ! Ah !… C’est la voix du canon !

LE ROI.

Eh bien ?…

LE COMTE.

Eh bien ?… Eh bien ! Je dis que cette voix qui parle
Doit trouver un écho dans le cœur du roi Charles ;
Que d’un profond sommeil il a dormi long-temps,
Et que, s’il veut enfin s’éveiller, il est temps !

LE ROI.

Comte !…

LE COMTE.

Comte !… Je dis aussi que chaque homme qui tombe,
Avant de se coucher tout sanglant dans la tombe,
Dit, jetant un dernier regard autour de soi :
Lorsque je meurs pour lui, mais où donc est le roi ?
Vos aïeux nous ont fait prendre cette habitude
De voir briller leur casque où l’affaire était rude ;
Et peu de coups tombaient d’épée ou de poignard
Dont leur écu royal ne reçût bonne part…
Sire, c’est pour un peuple une dure agonie,
De penser en mourant que son roi le renie !…
Car il peut, se croyant dégagé de sa foi,
Lui prendre envie aussi de renier son roi…
Qui peut comme un faisceau, dans ces temps d’anarchie,
Rallier à l’entour de notre monarchie
Tant de puissans seigneurs l’un de l’autre jaloux,
Si ce n’est notre roi, premier seigneur de tous ?…
Chacun ne peut-il pas penser que Dieu pardonne
D’abandonner le roi quand le roi s’abandonne ?

LE ROI.

Comte, vous oubliez…

LE COMTE.

Comte, vous oubliez… Sire, je dis encor
Que c’est mal calculer, qu’épuiser un trésor,
Dont la sueur du peuple a trempé chaque pièce,
En grelots de faucons, en joyaux de maîtresse ;