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RÉVOLUTIONS DE LA QUINZAINE.


LE ROI.

Que de tarder encore à les rejoindre !… Comte,
Notre forêt d’Auxerre est-elle prise ?

LE COMTE.

Notre forêt d’Auxerre est-elle prise ? Non.

LE ROI.

Nous allons y chasser : prépare ton faucon…
Venez, Agnès.

Il est impossible d’écrire l’histoire de ce temps-là avec plus de précision ; cela est concis et complet comme l’abrégé chronologique du président Hainaut. Puis, pour faire contraste, avec toute cette nomenclature, arrive la belle scène toute de sentiment entre la jeune Agnès et le vieux comte de Savoisy :

LE COMTE, arrêtant Agnès.

Venez, Agnès. Non, non : vous resterez, madame,
Car je veux vous parler à votre tour… Ô femme !
Vous êtes belle !… Oh ! oui, belle ; et de votre œil noir
Sur votre faible amant je comprends le pouvoir ;
Votre voix est d’un ange ou d’une enchanteresse,
Et je comprends encor qu’elle ordonne en maîtresse…
Eh bien ! sur mon honneur ! pour vous il vaudrait mieux
Qu’un fer rouge eût éteint votre voix et vos yeux…

AGNÈS.

Oh ! que me dites-vous !…

LE COMTE.

Oh ! que me dites-vous !… Car c’est à leur puissance
Que doivent les Français les malheurs de la France ;
Et Charles, l’insensé ! se soumet à leur loi
Comme à celle de Dieu !… La maîtresse d’un roi,
De la sphère élevée où son pouvoir la range,
Peut devenir d’un peuple ou le démon ou l’ange,
Vous pouviez de la France être l’ange ; mais, non :
Vous avez préféré devenir son démon !
Oui, grâce à votre amour adultère et fatale,
Aujourd’hui l’Occident a son Sardanapale !…
La faible monarchie, à ses derniers momens,
Se débat étouffée en vos embrassemens…