Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
286
LITTÉRATURE.

causé déjà quelque peu, et j’avais pu juger que Pepita, (c’était le nom de ma voisine) était, pour son âge, une aficionada, fort distinguée.

Au moment même où le taureau sauta dans le tendido, elle sauta aussi sur moi, et se cramponna aux revers de mon habit, de façon à me suffoquer, et surtout à me prouver que toute résistance serait inutile. — Je n’en opposai donc aucune. — J’admirais seulement, avec quel énergique instinct de conservation Pepita m’avait jeté devant elle, se retranchant à merveille derrière moi, comme derrière une fortification, prête à m’opposer à toute attaque, à toute irruption, comme un bouclier.

Nous demeurâmes ainsi quelque temps appuyés à l’un des piliers des loges qui nous garantissait un peu des atteintes de la foule ; — moi, résigné, observant, par manière d’occupation, l’état du corsage de Pepita, quelque peu ouvert et dérangé, comme il était inévitable dans une pareille confusion ; — elle, la tête appuyée et penchée sur mon épaule, regardant attentivement ce qui se passait.

À mesure que le danger s’éloignait, Pepita me laissait un peu plus librement respirer ; je sentais ma captivité devenir moins étroite.

Lorsque le taureau fut bien tué, dès qu’il tomba, elle me rendit toute liberté.

Rajustant sa basquine en désordre et sa mantille, elle reprit sa place en souriant, toute calme et toute heureuse, comme si rien ne fût arrivé.

Je la contemplais, sans pouvoir comprendre cette parfaite sérénité d’âme qui, dans un pareil moment, s’épanouissait sur ce jeune et doux visage.

Je revins m’asseoir auprès d’elle, — tout auprès. — J’observais toujours attentivement sa figure. — Comme l’oubli et la joie y étaient revenus vite ! Comme le plaisir du spectacle l’avait de nouveau resaisie ! Son œil étincelait. Elle était jolie, — bien jolie ; — cependant j’aurais voulu qu’elle eût peur encore,