Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
312
LITTÉRATURE.

reux qu’un roi, son soulier entre ses genoux, faisant jouer l’alène, sa plume et son encrier près de lui, ayant la tête à une besogne, les mains à l’autre. « La poésie, dit Landor, ouvre des sources de tendresse qui, sans elle, resteraient toujours enfouies dans le roc. » Les stances du pauvre savetier en font foi. Il se plaint quelque part que les soucis domestiques empoisonnent ses joies. « Non, dit-il, qu’à table les petits marmots ne sourient ; non que ma femme ne soit belle, douce, et toujours pour moi un reflet du printemps ; mais, avant le point du jour, elle se lève, elle travaille ; le fil se teint de sang en passant par ses doigts, et la tâche obligée n’est pas encore finie, que déjà le soleil raie le couchant de pourpre et d’or. »

John Jones, le bon vieux sommelier de Kirby-Hall, a pris, lui, le don de poésie comme un rayon doré qui vient éclairer son humble vie. Ainsi qu’il le conte lui-même, dans sa lettre à Southey, ayant à soutenir une femme et trois enfans, il eut bien quelques petites difficultés à vaincre, « mais, avec l’aide de Dieu, dit-il, je m’en tirai passablement. » Les douces vertus du brave homme, que ses goûts n’arrachèrent jamais à ses devoirs, et qui, au premier coup de sonnette, mettait son papier dans sa poche, et courait, laissant mainte rime incomplète, ont dû, ce me semble, en faire plutôt l’ami que le domestique de ceux qu’il sert.


A. de Montgolfier.