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LITTÉRATURE CRITIQUE.

M. de Chateaubriand, a déjà signalé son avénement ; car ceux qui s’acheminèrent avec foi vers cette terre promise de la liberté de l’art ont trouvé le chemin court, et personne n’est mort dans le désert. Le public accueille les œuvres nouvelles avec enthousiasme, sans s’inquiéter si les genres sont modifiés, si les genres sont modifiables, n’en reconnaissant plus qu’un qui soit bien défini, c’est le genre fini. Les lecteurs, encore plus que les auteurs peut-être, partagent le dédain que M. de Vigny avait pour ce style cérémonieux, cette politesse niveleuse, ce ni trop haut ni trop bas, espèce de juste-milieu littéraire, défaut des poètes à courte vue et à courte haleine. Tout le monde en est à ce dégoût du prosaïsme, à cette aversion du commun que professait depuis long-temps M. Victor Hugo. Le paradoxe, qu’il n’y avait point de romantisme, mais une littérature du dix-neuvième siècle, est maintenant une vérité triviale, car si les mots de classique et de romantique se font encore entendre, ce n’est plus que comme ces coups de fusil qui retentissent dans le lointain quand la bataille est finie. Toute conception littéraire, digne d’attirer l’attention de la critique, porte aujourd’hui le cachet de cette ère nouvelle, et ce cachet, c’est la poésie. La poésie coule à pleins bords dans les drames, dans les romans, dans les feuilletons, dans les revues. Il s’en fait chaque jour une dépense effrayante dans ces mille et un morceaux littéraires qu’on ne sait comment nommer, et que j’appellerais volontiers du nom de leurs auteurs : Mérimée, Jules Hanin, de Stendhall, de Balzac, Bruckère, Eugène Sue, Paul Lacroix, etc. ; car, outre la physionomie bien distincte de l’époque, chacun de ces écrivains a sa physionomie à lui, son individualité que tout le monde connaît. Le dix-neuvième siècle a peut-être déjà trouvé autant de manières d’écrire, et d’écrire très-bien, que les deux siècles qui l’ont précédé.

Comme un titre, si original qu’il soit, n’en dit pas autant aux libraires et au public que certains noms, on en viendra, j’espère, à ne mettre que le nom de l’auteur sur la couver-