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REVUE. — CHRONIQUE.

lage. Des voleurs se sont introduits dans le cabinet des médailles, et là ils ont fait main basse sur le plus riche médailler du monde. C’est une grande et irréparable perte. On refera peut-être un jour le jardin des Tuileries ; on comblera les fossés de M. Fontaine ; mais cette suite de médailles uniques, qui nous la rendra ? Qui nous la rendra, cette histoire gravée sur l’or ? impartiale histoire simple et nette, qui échappe à l’oubli des hommes comme par miracle. Une médaille, c’est un cri de douleur ou de gloire que jette la reconnaissance ou la haine des peuples, et qui se perd dans la nuit des temps pour être retrouvée mille ans plus tard, par quelque abbé Barthelemy, qui se prosterne et la baise avec respect.

Encore une fois, c’est une grande perte. C’est le coup le plus audacieux et le plus funeste qu’aucun malfaiteur ait jamais pu nous porter. Ce qui étonne, c’est le sang-froid avec lequel la Bibliothèque a d’abord supporté cette perte immense. Elle a envoyé tout simplement des notes manuscrites aux journaux, annonçant qu’elle avait perdu près de cent mille francs en or. Elle ne parlait ni d’art ni de la science, elle ne décrivait aucune de ses médailles, elle ne promettait aucune récompense ; un bourgeois de la rue Saint-Denis se donne plus de peine quand il a perdu son chien. Ce n’est que lorsque que la voix publique s’est fait entendre que le cabinet des médailles s’est un peu occupé de cette immense ruine. Alors la Bibliothèque a allongé la circulaire ; alors elle a fait des comptes plus exacts, et au lieu de cent mille francs, valeur intrinsèque, qu’elle avait perdus, il s’est trouvé que c’étaient cinq cent mille francs, valeur intrinsèque. Dites au moins dix millions, barbares ! Quelle misère, n’est-ce pas ? quel honteux brigandage ? serait-ce donc trop du fer chaud pour punir de pareils désordres ? Une telle valeur perdue en une nuit ! Un conservateur de médailles, qui était peut-être à l’Opéra ce soir-là ! Un Raoul-Rochette, pédant manqué qui, non content de ne pas toucher à ce trésor de science qui lui était confié, laisse voler cet or qu’il aurait