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LITTÉRATURE.

j’aime mieux le dernier, comme plus dédaigneux. C’est vraiment par trop estimer la vie que la pleurer : les larmoyeurs et les haïsseurs la prennent trop à cœur. C’est ce que vous faites, dont bien me fâche. L’espèce humaine, qui est incapable de rien faire de bien ou de mal, devrait moins vous agiter par son spectacle monotone. Permettez donc que je poursuive à ma manière.

— Vous me poursuivez en effet, soupira Stello d’un ton de victime.

L’autre poursuivit fort à son aise :

— Kitty Bell reprit la lettre, tourna languissamment sa tête vers la rue, la secoua deux fois, et me dit :

He is gone !

— Assez, assez ! La pauvre petite ! s’écria Stello. Oh ! assez ! N’ajoutez rien à cela. Je la vois toute entière dans ce seul mot : Il est parti ! Ah ! silencieuse Anglaise, c’est bien tout ce que vous avez dû dire ! Oui, je vous entends, vous lui aviez donné asile, vous ne lui faisiez jamais sentir qu’il était chez vous ; vous lisiez respectueusement ses vers, et vous ne vous permettiez jamais un compliment audacieux, vous ne lui laissiez voir qu’ils étaient beaux à vos yeux que par votre soin à les apprendre à vos enfans, avec leur prière du soir. Peut-être hasardiez-vous un timide trait de crayon en marge des adieux de Birtha à son ami, une croix presque imperceptible et facile à effacer au-dessus du vers qui renferme la tombe du roi Harold ; et si une de vos larmes a enlevé une lettre du précieux manuscrit, vous avez cru sincèrement y avoir fait une tache, et vous avez cherché à la faire disparaître. Et il est parti ! Pauvre Kitty ! L’ingrat, he is gone !

— Bien ! très-bien ! dit le docteur, il n’y a qu’à vous lâcher la bride ; vous m’épargnez bien des paroles inutiles, et vous devinez très-juste. Mais qu’avais-je besoin de vous donner d’aussi inutiles détails sur Chatterton ? Vous connaissez aussi bien que moi ses ouvrages.

— C’est assez ma coutume, reprit Stello nonchalamment, de me laisser instruire avec résignation sur les choses que je