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MARIE. — IAMBES.

Mais avant de partir, si tu le peux, va voir
Celle qui demeurait chez sa mère au Moustoir,
Comme si tu voulais, avant ton grand voyage,
Visiter tes amis de village en village.
Assis dans sa maison, alors regarde bien
Si quelque joie y règne, et s’il n’y manque rien ;
Si son époux est bon, sa famille nombreuse,
Et si dans son ménage enfin elle est heureuse.
Regarde chaque objet pour me les dire un jour,
Et que dans ton récit je les voie à mon tour.
Attache bien tes yeux sur cette pauvre femme :
Est-elle belle encor comme au fond de mon âme ?
Et ses petits enfans, prends-les entre tes bras ;
Et, s’ils ont de ses traits, tu les embrasseras.
Tu lui diras enfin (et toujours, je t’en prie,
Garde, en parlant, tes yeux attachés sur Marie)
Que tu pars ; devenu soldat de métayer,
Que tu vas à Paris ; et, feignant de railler,
Tu lui demanderas si d’une ardeur fidèle,
Dans la grand’ville, ici, nul ne languit loin d’elle ;
Puis, revenant encore à ton prochain départ,
Dis-lui : N’aura-t-il pas un mot de votre part ?
— Oh ! s’il croît une fleur, une feuille à sa porte,
Daniel, porte-les-moi, déjà sèches, qu’importe !…

Trois Iambes de M. Auguste Barbier sont déjà connus ; la Curée, la Popularité, l’Idole, lui ont fait un nom. Chacun a admiré en lui cette audace et cette puissance de tout fouiller et de tout peindre, d’égaler sa voix qui gourmande au mugissement de la clameur publique, de monter son harmonie sifflante au diapason des barricades ou de l’émeute, de manière à être entendu. C’est, à vrai dire, le seul poète que nous ait donné la révolution de juillet. Barthélemy, qui se surpasse tous les jours dans la satire spirituelle et éclatante, n’a fait que poursuivre un rôle où lui et son ami Méry étaient depuis long-temps des maîtres. Un autre poète, trop rare au gré de ceux qui apprécient le talent sévère, M. Antony Deschamps a publié trois satires dans un sens opposé, et empreintes d’une teinte de cette verdeur gibeline qu’il a comme