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REVUE. — CHRONIQUE.

heureux en guenilles, qui complottent, qui s’assemblent, qui grondent. Le préfet reste parfaitement tranquille, il n’entend rien, et la veille de cette grande révolte il écrivait encore confidentiellement au ministre de l’intérieur : Une révolte est plus que jamais impossible à Lyon !

Tout à coup le faubourg éclate, les ouvriers se remuent en masse ; ils portent un drapeau noir sur lequel est écrite cette énergique inscription : Vivre en travaillant ou mourir en combattant. Ils se sont battus comme des gens qui voudraient vivre, mais travailler. Ils ont pris des canons et ils ont tiré le canon. Ils ont pris un général et le préfet, et ils ont voulu pendre le préfet qui a été obligé de donner une rançon, à ce qu’on dit : ils ont fait mieux que cela, ils ont pris les ponts qu’ils ont coupés ; ils ont pris les rues qu’ils ont barricadées ; ils ont pris la ville qu’ils gouvernent, à présent ils fusillent tous les pillards. Lyon a aussi ses trois jours, sa révolution de juillet ; c’est un grand cas de pardon et de merci ce mot-là : j’ai faim ! Et puis, dans une société ouvrière, quand tous les liens du pouvoir sont brisés, faites entendre raison à cet ouvrier qui se meurt. Paris inquiet, éperdu à ces nouvelles, a tout oublié pour ne s’occuper que de Lyon. On a fait courir mille bruits à ce sujet. On disait hier que les ouvriers offrent de rendre la ville moyennant cinq millions. Il y a quatre ans, Charles x fit une commande d’à peu près même somme pour les ouvriers sans ouvrage ; le roi des Français vient de faire une demande d’un million de soieries. Que l’argent des fusils-Gisquet et du fossé des Tuileries employé à propos nous eût épargné de chagrins ; et à Lyon, que de meurtres, d’incendies, de ruines de tous genres, sans compter qu’à de pareils excès la confiance commerciale se perd pour trois ans au moins. En général, le gouvernement y va avec trop d’incurie avec la province. Les préfets sont faibles, les sous-préfets sont novices, la police est mal faite. On dirait que le gouvernement garde toute sa surveillance pour Paris. Il fait saisir les journaux de Paris. Encore avant-hier on a arrêté six prétendus conspirateurs, le matin, et le soir deux rédacteurs