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espérance ! — J’avais toujours les yeux machinalement attachés sur le cadran. J’y trouvai tout-à-coup ces mots qui ne m’avaient pas jusque-là frappé :

Sit nomen Domini benedictum.

Et je me révoltai stupidement contre cette simple et belle inscription. — Dérision, m’écriai-je ; pourquoi a-t-on écrit là ces paroles ? qu’on les efface ! est-ce sur ce portail qui voit passer tant de victimes de l’indifférence de ce Dieu, qu’il convient de placer son nom et de l’exalter ? — Oh ! blasphème. Impie et insensé que j’étais ! parce que les hommes faisaient à leurs lois des sacrifices humains, j’en rendais Dieu responsable ! je ne voulais pas que son nom fût béni ! comme si le crime était le sien et non le nôtre ! comme s’il n’était pas le Dieu qui pardonne et se dévoue ! le Dieu qui a condamné toutes les immolations, et n’a permis que la sienne ! »

Il était bientôt deux heures, et rien ne venait. On sut bientôt la cause de ce retard inouï. Le condamné avait perdu connaissance, à la porte de la prison ! — Ô charité ! — il avait fallu le rappeler, le rendre à la vie, — afin de la lui arracher plus solennellement quelques instans après.

Il se fit soudain un grand mouvement dans la foule qui s’entr’ouvrit comme si elle eût été fendue par quelque charge de cavalerie, et laissa un chemin libre au milieu de la rue dans toute sa longueur, depuis la Plaza mayor, jusqu’à la place de la Cebada.

— Oh ! voici le bourreau qui vient, dit d’une voix douce et d’un air satisfait, la jeune fille qui se penchait timidement hors de la porte de la boutique, se haussant, autant qu’elle le pouvait, sur ses petits pieds, et se tenant de la main droite à la robe de la grosse marchande.

La jeune fille ne se trompait pas. Le bourreau arrivait par cette route qu’il s’était si soudainement frayée à travers les flots du peuple, comme le passage qu’avec sa baguette s’ouvrit Moïse par la mer Rouge. – Cet homme fatal, je le reconnus bien ! il passa