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LA HORCA.

Tolède ; l’autre, qui lui fait face et devant laquelle on passe pour descendre à la rue de la Cava Baja, c’est San Juan. Au-dessus de la porte de San Millan, on voit dans une niche une assez mauvaise statue, grossièrement peinte, représentant un moine, une longue palme à la main, une tête coupée sous les pieds : c’est San Millan, un saint bien choisi, un excellent saint pour une place d’exécution !

La horca était placée depuis le matin. Elle se forme d’une épaisse solive fixée horizontalement dans deux poutres perpendiculaires, assujéties au sol par d’autres pièces de bois qui leur servent de base et de racine. Deux escaliers de bois, dont le pied se trouve du côté de la fontaine, montent de front à la solive horizontale à laquelle ils aboutissent.

Une compagnie de grenadiers provinciaux sur deux rangs, formait un vaste carré autour de la horca, et des factionnaires contenaient encore le peuple à quelque distance de ce carré. Un fort détachement de grenadiers à cheval était rangé le long des maisons, situées en face de la horca. Un grand nombre de personnes, des femmes surtout et des jeunes gens, garnissaient les balcons et les croisées de ces maisons. Ce sont là les premières loges, les meilleures places. Je ne sais si on les loue. — À Madrid du moins on n’a pas l’impudeur de l’annoncer par des écriteaux.

La foule n’était pas si grande sur la place, qu’on n’y pût encore assez facilement circuler. J’en fis le tour. Je me retrouvais près de la fontaine ; je m’arrêtai là, à quelques pas de la haie des grenadiers formant le carré. Le cortége y avait déjà pénétré, et s’était rangé au pied de la horca. Je remarquai aussi dans l’intérieur du carré, un groupe nombreux de gardes-du-corps, de très jeunes officiers de diverses armes. C’était un privilége de leur grade. Ils avaient là leurs entrées. Ils voyaient mieux ! Ils voyaient de tout près. —

Cependant, au sommet de la horca, monté à califourchon sur la solive horizontale, le bourreau disposait ses cordes.

Le patient, descendu de l’âne, avait été mis à genoux sur la dernière marche du premier des deux escaliers. Le père Antonio, s’étant assis au bas de l’autre, attira le malheureux dans