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REVUE — CHRONIQUE.

Et que signifie le silence du maréchal Soult ? N’avait-il donc rien à dire sur son expédition ?

M. de Schonen a fait son rapport sur la liste civile. La minorité de la commission s’était prononcée pour le chiffre de 12 millions 500,000 francs, et la majorité 14 millions. M. de Schonen a déclaré se réunir à l’avis de la majorité. Quel que soit d’ailleurs l’avis des logiciens intrépides et intraitables tels que M. Cormenin, nous pouvons toujours nous consoler en nous disant : c’est 4 millions de gagnés ; car M. Thiers, dans l’ingénieuse harangue où il demandait grâce pour ces beaux jardins où, selon son dire au moins, Bossuet se promenait avec Racine, M. Thiers avait demandé 18 millions. Consolons-nous donc, c’est 4 millions de gagnés !

M. Decazes a fait son rapport à la chambre des pairs sur la révision de l’article 23. Malgré tout l’esprit qu’on lui attribue, et qu’il possède réellement, malgré les conseils officieux et empressés de M. Guizot, de M. de Broglie, qui, Dieu merci, ne lui ont pas manqué, il n’a pu réussir à donner une forme raisonnable, une expression sensée au double vœu qui partageait la commission. Avant ce rapport si long-temps attendu, et qui a si mal répondu à l’attente générale des amis et des ennemis du pouvoir, il y a eu au sein de la commission d’incroyables intrigues, et qui n’allaient à rien moins qu’à renverser M. Périer. Les défections ne se comptaient plus, c’était à en perdre la tête, à regretter la fournée ! Qui savait si on éviterait, même au prix d’un coup d’état, le mal qu’on voulait prévenir ? M. Molé, celui même qui a débuté par une brochure en faveur du pouvoir absolu, qui a fait dire à Napoléon ce mot si bien placé dans sa bouche : « Laissez-nous du moins la république des lettres » ; M. Molé, qui, après avoir servi et trahi l’empereur, est entré dans le ministère Richelieu, dans un ministère formé sous le patronage de la Russie ; M. Molé mêlé à tant d’intrigues de salons, et qui par sa versatilité, s’est fait des ennemis et des censeurs jusque dans le faubourg Saint-Germain ; M. Molé, qui, le lendemain de la dernière révolution, a été choisi par M. Guizot, voulait déposséder M. Périer ; c’est une grande ingratitude, un déplorable aveuglement, car enfin M. Périer continue M. Guizot, qui se faisait aider par M. Molé ; pourquoi cette subite répugnance à continuer pour M. Périer cette souple obéissance qu’il comprenait si bien il y a dix-sept mois ? Dans les tragédies du dix-septième et du dix-huitième siècles, dans les tragédies de l’empire, le troisième acte est toujours expliqué par le premier ; l’exposition, le récit, le confident, suffisent, et au-delà, toutes les exigences de la curiosité. Mais où prendre, je vous le demande, l’explication de M. Molé. C’est le personnage le moins logique et le moins dramatique que je connaisse.

M. Molé n’est pas redevenu ministre, il a voté contre le projet : voilà tout. M. Decazes, il faut l’avouer, n’était guère moins embarrassé que M. Périer à la chambre des députés ; l’un et l’autre ont dit : « L’hérédité est le complément de la monarchie représentative. Je suis voué de cœur à l’hérédité ; mais la France est folle, et il faut céder pour un temps à sa folie. » Ce qui était ridicule au Palais-Bourbon ne l’est pas moins au Luxembourg. Il n’y avait