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depuis long-temps en Occident sans pouvoir s’accorder. Nous apprenons d’eux en quel endroit précisément Shakya reçut la naissance, s’il est vrai qu’il naquit jamais ; en quel endroit il est mort, si tant est qu’il ait vécu ; où sa religion fut d’abord enseignée ; et ce qui pourrait arriver dans beaucoup de discussions savantes, si tout-à-coup la vérification des faits y devenait possible, ce témoignage positif et irréfragable ne s’accorde avec aucune des hypothèses qui avaient été proposées, bien qu’elles fussent pour la plupart doctes et ingénieuses : les savans n’en font guère d’autres.

Les voyageurs chinois tracent un tableau enchanteur de ces régions de l’Inde centrale, où florissait alors la religion samanéenne. Le climat y était tempéré, le froid et la neige inconnus. Le peuple vivait dans la joie et dans l’abondance. Il se passait de lois et de magistrats, aussi bien que d’états de population ; cette dernière remarque pourrait sembler insignifiante, mais ce qui lui donne quelque prix aux yeux d’un habitant de la Chine, c’est que ces états y sont en même temps la base du rôle des contribuables. On était libre dans ces pays fortunés ; on en sortait, on y demeurait à volonté. Les seules punitions en usage étaient des amendes, les supplices étaient inconnus, seulement on coupait la main droite au coupable en état de récidive, et cette légère exception est citée comme une marque nouvelle de la douceur de la législation criminelle. Les habitants ne tuaient aucun être vivant, ne buvaient pas de vin et ne mangeaient ni d’ail ni d’oignons. On ne voyait dans les marchés ni boucheries ni tavernes. Les seuls Tchandalas allaient à la chasse et mangeaient de la viande ; mais aussi cette caste était odieuse et méprisée : ses membres étaient obligés, à leur entrée dans une ville, de frapper sur un morceau de bois, pour avertir de leur présence les Hindous, qui s’empressaient de fuir leur contact. Le commerce se faisait avec des dents ou des coquilles (cauris) ; les ministres et les courtisans qui entouraient le roi avaient des appointemens honorables et de bonnes pensions. Enfin, dans ces heureux climats, tout annonçait l’aisance, la douceur des mœurs et la prospérité.

Mais ce qui charma surtout les voyageurs, ce fut le sort des