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SCÈNES HISTORIQUES.

chambre gothique, où tout le luxe de la maison de Bourgogne est déployé ; qui la verrait, dis-je, sourire à l’un, tendre gracieusement sa belle main à l’autre, jeter quelques douces paroles à un troisième, et qui, descendant au fond du cœur de cette orgueilleuse princesse, y pourrait lire les sentimens de haine et de vengeance qui le bouleversent, serait effrayé du combat qu’elle doit soutenir, pour enfermer tant de passions dans son sein, et pour que son front calme présente avec elles un si étonnant contraste.

Ce jeune seigneur, debout à sa droite, auquel elle adresse la parole le plus souvent parce qu’il est le dernier arrivé à sa cour, est le sire Villiers de l’Île-Adam. Lui aussi, sous un sourire gracieux et de douces paroles, cache des projets de vengeance et de haine dont il a déjà mis une partie à exécution, en livrant au duc de Bourgogne la ville confiée à sa garde. Seulement, comme le duc a pensé que, traître une fois, il pourrait l’être deux, il n’a point voulu qu’il l’accompagnât dans le coup de main qu’il tente sur Paris, et, comme à un poste d’honneur, il l’a laissé près de la reine.

De chaque côté d’elle et un peu en arrière, s’appuyant, dans une pose demi respectueuse, demi familière, sur le dossier de son fauteuil, causant à demi-voix et suivant une conversation particulière, nos anciennes connaissances, les sires de Giac et de Graville, qui, ayant payé rançon, se sont trouvés libres de revenir offrir à leur belle souveraine leur amour et leurs épées. Chaque fois qu’elle se retourne de leur côté, son front se rembrunit, car ils étaient les frères d’armes du chevalier de Bourdon, et souvent le nom de ce malheureux jeune homme, prononcé tout-à-coup par eux, lui semble un écho douloureux et inattendu de la voix qui crie vengeance au fond de son cœur.

À sa gauche et aux pieds des marches qui élèvent le fauteuil royal comme un trône, le baron Jean de Vaux raconte aux seigneurs de Chateluz, de l’An et de Bar, comment, avec son parent Hector de Saveuse, ils ont, quelques jours auparavant, surpris dans l’église de Notre-Dame de Chartres le sire Hélyon de Jacqueville, dont ils avaient juré la mort, et comment, pour