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Perrinet ouvrit une petite porte qui amenait avec elle les trois premières marches d’un escalier, dont la continuation était pratiquée dans l’intérieur du mur, et se mit à monter lentement cette espèce d’échelle sans détourner la tête, sans regarder son père.

— Cet enfant est triste depuis quelques jours, dit en soupirant le vieux Leclerc ; et il se mit seul à la table, où l’arrivée du jeune homme lui avait fait mettre un second couvert.

Pendant quelque temps, il écouta, au-dessus de sa tête, les pas de son fils ; puis n’entendant plus rien, il pensa qu’il dormait, murmura quelques prières pour lui, et rentrant dans sa chambre, se mit au lit, après avoir pris la précaution de glisser, selon son habitude, les clefs dont il avait la garde, sous le traversin où reposait sa tête.

Une heure à-peu-près s’écoula sans que le silence qui régnait dans la maison du vieil échevin fût troublé ; tout-à-coup un léger grincement se fit entendre dans la première pièce, la porte, dont nous avons déjà parlé s’ouvrit, et les trois escaliers de bois craquèrent successivement sous les pas de Perrinet, pâle et retenant son haleine ; lorsqu’il sentit le plancher sous ses pieds, il s’arrêta un instant pour écouter. Aucun bruit n’annonçait qu’il eût été entendu. Alors il s’avança sur la pointe des pieds, en s’essuyant le front avec la main, vers la chambre de son père ; la porte n’en était point fermée, il la poussa.

La lanterne qui servait au vieillard, lorsque par hasard il était forcé de se lever pour aller reconnaître à la porte quelque bourgeois attardé, brûlait sur la cheminée, et sa pâle lueur jetait assez de clarté pour que l’échevin, s’il s’éveillait, pût reconnaître qu’il n’était pas seul dans sa chambre ; mais Leclerc craignit, s’il soufflait cette lumière, de heurter, dans l’obscurité, quelque meuble dont le bruit pourrait tirer son père du sommeil où il était plongé ; il préféra donc la laisser brûler.

C’était une chose effrayante à voir que ce jeune homme, les cheveux hérissés, le front ruisselant de sueur, la main gauche posée sur son poignard, s’appuyant de la droite à la muraille, s’arrêtant à chaque pas pour donner au parquet le temps de