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plaines de l’est, s’arrêta sur les bords de l’Orénoque, et y fonda la ville de San-Thome, dont le siége fut successivement éloigné de l’embouchure du fleuve pour la soustraire aux dévastations des Hollandais, jaloux de ses échanges avec les Indiens. Plus tard Walter Raleigh, cet homme si instruit, si capable et si célèbre par son zèle malheureux pour la découverte des pays négligés, celle des mines et les progrès du commerce, porta ses vues vers l’Eldorado ; en 1595 et 1616, il visita les rivages de la Guyane et le cours de l’Orénoque : on sait qu’il paya ses services de sa tête. L’espoir d’arriver à ce pays attrayant avait déjà donné naissance aux expéditions fameuses de Gonzalo Pizarro, de Belalcazar, de Quesada ; il devait exciter plus tard celle de Soares vers la province de Charcas, et il avait conduit Federman de Venezuela à Santa-Fé de Bogota. Enfin, pour terminer le récit de ces courses ingrates vers un but chimérique, il faut parler ici d’Antonio Santos, qui, en 1780, partit de San-Thome sur la foi d’un prétendu Indien de Parimé. Après cinq cents lieues de chemin, son guide l’abandonna, ses compagnons périrent, et il tomba seul dans les mains des Portugais. Ajoutons qu’un second Eldorado et une immense ville de Quivira avaient été placés dans un royaume de Tatanax au nord de Cibora, mais que si l’existence n’en fut pas moins fabuleuse, sa recherche fut poursuivie avec bien moins d’activité.

La fin du xvie siècle avait vu se former les associations de boucaniers et de flibustiers, de ces hommes de tous les pays, qui, sous le nom de frères de la côte, s’unissaient contre un ennemi commun, dont les richesses tentaient leur cupidité jalouse. Ce furent leurs réunions croissantes et leurs succès multipliés qui jetèrent dans les Antilles les bases des colonies anglaises et françaises, pour lesquelles on doit distinguer trois époques principales : en 1525, l’occupation simultanée de l’île Saint-Christophe par les deux nations ; de 1635 à 1641, l’établissement de la puissance française à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Tortue et à Saint-Domingue, et enfin en 1655, la conquête de la Jamaïque par les Anglais soumis à ce Cromwell que, par une inconcevable fatalité, Charles Ier avait empêché vingt ans plus tôt