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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/339

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EXCURSIONS DANS LE VENEZUELA.

commence à trotter lentement et de mauvaise grâce ; c’est alors un symptôme certain de sa domesticité.

Le sol des Llanos est très fertile, et les inondations annuelles y contribuent beaucoup ; mais il faut les brûler en automne quand les herbes qui ont huit et dix pieds de haut sont sèches ; Le feu se met à plusieurs endroits à-la-fois, et on ne peut se figurer la magnificence de cet océan de flammes qui détruit tout ce qu’il rencontre. Sur les derrières du feu, qu’on reconnaît aux racines et aux troncs fumans, sont rassemblés de nombreux vautours, et gallinazos qui trouvent une abondante pâture dans la multitude de serpens, de grosses grenouilles et d’autres petits animaux surpris et brûlés par les flammes. Le général Paez se servit une fois de ce moyen contre ses ennemis : les flammes délogèrent les Espagnols ; ceux que la fumée n’étouffa pas, ou dont les cartouches n’éclatèrent pas dans leurs gibernes, devinrent une proie facile pour ses lanciers.

Notre voyageur retourna à Angostura, et entra comme ayudante de brigada dans les lanceros de la Vitoria, et les carabineros del Oriente.

Les Llanos altos se trouvent dans la province de Barcelona, leur sol et leur aspect sont différens des basses savanes de Varinas ; des fruits de toutes espèces naissent dans ses plaines, et la guyava, le mericuri et le maniroti y sont communs. La guanavana, fruit très rafraîchissant, s’y trouve aussi avec abondance, ainsi que l’ananas sauvage.

« L’arbre nommé coco de mono, ou noix de singe, ainsi nommé, parce que ces animaux en sont très friands, est un arbre empoisonné, très dangereux pour les voyageurs qui n’en ont pas été prévenus, et qui en prennent par la fausse idée que ce qu’un singe ou un oiseau peut manger, ne peut être nuisible à l’homme. Ce fruit ressemble beaucoup à une amende. J’étais en reconnaissance avec une compagnie de cavalerie que je commandais. Harassé à la suite d’une longue marche, et n’ayant rien à manger, nous nous assîmes sous un de ces arbres. Trouvant le goût de ce fruit très agréable, nous en prîmes abondamment, soit crû, soit en le faisant rôtir. Mais nous en sentîmes bientôt les cruels effets ; de violens maux de cœur nous