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EXCURSIONS DANS LE VENEZUELA.

L’auteur décrit ce qu’avaient à souffrir les soldats au passage de certaines rivières où se trouve un poisson nommé carribi.

« Un grand nombre fut mordu aux jambes et aux cuisses par ce petit poisson. Il n’a jamais plus de trois pouces de long, et sa forme est la même que celle du goldfish, auquel il ressemble par la brillante couleur orange de ses écailles. Quoique ces carribi soient si petits, ils sont tellement voraces, et se réunissent en quantités si prodigieuses, qu’ils sont très dangereux, et un Llanero les redoute plus qu’un cayman. Leur bouche est très grande en comparaison de leur corps, et s’ouvre comme un moule à balles. Elle est armée de dents larges et pointues comme celles du requin en miniature, de sorte qu’ils emportent la peau là où ils mordent. Lorsqu’ils attaquent une bête ou un homme, ils leur enlèvent en un instant la chair de dessus les membres, et le goût du sang qui se répand dans l’eau, les rassemble par myriades. »

L’aspect du pays commence à varier en approchant des montagnes, et le voyageur se réjouit, fatigué des plaines immenses qu’il a traversées. Le terrein devient de plus en plus inégal, et des ruisseaux rapides remplacent les étangs et les marres d’eau stagnante. Les plantations deviennent plus fréquentes, et les maisons sont bâties avec plus de soin. Le froid commence aussi à se faire sentir, surtout avant le jour, quand le vent qui souffle a passé sur le haut des Cordillières. — Les troupes de Bolivar aperçurent bientôt à travers les ouvertures des montagnes qui y conduisaient, les sommets de neige des Andes ; plus on regarde ces barrières élevées, moins on peut concevoir la possibilité de les franchir. Les sentiers étroits qui conduisent aux Paramos, courent à travers de sauvages montagnes, entièrement désertes, et couvertes d’immenses forêts qui, plongeant sur la route, empêchent le jour d’y pénétrer.

« Les arbres y sont immenses ; les nuages s’arrêtent dans leurs branches, et l’eau dégoutte sans cesse de leur feuillage. Les sentiers y étaient si glissans, que les chevaux et les mulets s’y abattaient sans cesse, et le bruit des torrens et des cascades ne