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le reste de la journée parmi eux. Je les encourageai à parler en leur faisant verser de temps en temps quelques verres de tafia. Mon attention à les écouter les encouragea tellement, qu’ils répondirent à toutes mes questions. La causerie ne finit que quand les vieillards, à force de boire du tafia, devinrent complètement ivres. N’ayant aucune raison de faire un plus long séjour dans ce lieu, je partis le lendemain de bonne heure, en me dirigeant vers le nord.

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Je trouvai que la pente du terrain, depuis la banza de Bihé jusqu’à Cassondé, était de deux cent quatre-vingts toises. Évidemment nous avions suivi celle des montagnes, dont le nœud est à l’est du Bihé. À peine si on rencontre quelque petit coin de terre cultivée ; cependant on ne peut juger, d’après cette circonstance, de la population de ces contrées, car le nègre consomme pour sa subsistance quatre fois moins que le blanc. Le soba Cassondé me témoigna de la bienveillance : il m’apprit qu’il dépendait du souverain Cunhinga, qu’il lui payait un tribut en vivres et en animaux féroces. Ce chef avait de grands troupeaux de chèvres, et vivait fort paisiblement.

Moins nombreux que les habitans du Bihé, ceux de ce canton ne paraissaient pas avoir l’humeur aussi martiale ; mais ils avaient l’air plus sauvage. Leur langue diffère beaucoup de celle du Bihé, et offre des expressions qui lui sont particulières. J’appris qu’elles appartenaient à la langue d’un peuple vivant plus à l’est. Toutefois je comprenais leurs discours, et mes interprètes n’éprouvaient aucune difficulté à causer avec eux, quand ils voulaient répondre, car ils sont un peu taciturnes. Leur œil est vif et menaçant. Ils ne se rasent que le haut de la tête. Ils me parurent peu adonnés à la superstition et disposés à n’écouter les ordres de leurs dieux qu’en ce qui flattait leurs passions ou leurs caprices. Ils sont très vindicatifs. Experts dans la connaissance des plantes vénéneuses, ils savent s’en servir contre leurs ennemis ; très inconstans dans leurs goûts et leurs affections, ainsi que dans leurs habitudes, ils émigrent pour de simples contrariétés d’une partie du territoire dans une autre ;