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VOYAGE DE DÉCOUVERTES.

les effets du poison furent bientôt arrêtés par l’application de plantes salutaires. Arrivés aux habitations des nègres, qui nous avaient assaillis, nous les trouvâmes entièrement abandonnées. Nous y prîmes les vivres dont nous avions besoin. Mes porteurs voulaient y mettre le feu, après avoir enlevé le bétail et la volaille ; mais je réussis à leur persuader qu’il ne faut jamais pousser son ennemi au désespoir. On lia les mains des prisonniers, on les attacha ensemble avec des cordes, et on les obligea de porter nos provisions. Ils étaient au nombre de cinquante-deux, tant hommes que femmes et enfans. Je défendis qu’on les maltraitât ; parce que je savais que le chef Cunhinga, chez qui je devais passer, ne manquerait pas d’être informé de notre aventure. Il était présumable que les circonstances seraient exagérées et défigurées ; que vraisemblablement l’on me donnerait tort, et qu’il était important que les prisonniers confirmassent la vérité. Je défendis que l’on les laissât communiquer avec personne ; je plaçai même près d’eux un de mes interprètes, qui devait me rapporter tout ce qu’ils diraient ou ce qu’ils essayeraient de faire. Ayant continué notre route nous allâmes camper près d’un village dont les habitans, peu nombreux, étaient passablement sauvages.

Le début de mon voyage dans le pays de Cunhinga n’était pas encourageant. J’avais lieu de craindre de fréquentes attaques. Je pris des informations sur l’étendue du territoire de ce chef, afin de prendre la route la plus courte et la plus facile pour en sortir. Je connus bientôt que je suivais la bonne direction, puisque ses états, qui s’étendent très loin vers l’est, se terminent vers le nord aux rives du Couenza.

Nous avions à l’est et à l’ouest des montagnes qui se dirigeaient du nord-est au sud-ouest, et au nord, celles qui depuis plusieurs jours se dessinaient à l’horizon ; elles étaient assez proches pour que nous pussions juger de leur hauteur. Nous allâmes camper à leur pied dans l’intention de les traverser le lendemain. Je reconnus qu’elles étaient des ramifications de celles dont j’avais vu les cimes dans l’est, quand j’étais dans la banza du Bihé. Elles sont de formation primitive. Les gros blocs de granit qui se montraient à découvert dans plusieurs endroits de la plaine, me