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VOYAGE DE DÉCOUVERTES.

montagnes nord-ouest de la banza. Je parcourus pendant un jour la partie inférieure de ces hauteurs, et je trouvai une grande quantité d’améthystes, de belles agathes, de pétrifications de dendrites fort jolies.

Le soir, nous dressâmes des cabanes pour passer la nuit dans ces montagnes. Mes guides, pour gagner mon amitié, me montrèrent la plante avec laquelle ils empoisonnaient leurs flèches ; ils s’empressèrent même de m’apprendre comment ils s’en servaient. Le suc que l’on exprime des feuilles ne communique aucun goût désagréable à l’oualo ou à l’eau ; mais il cause une mort presque subite. Ce poison cause aux parties vitales un engourdissement qui paralyse leurs fonctions. À l’insu des nègres, je ramassai plusieurs feuilles de cette plante, afin de m’assurer de la propriété qu’ils lui attribuaient. De retour chez moi, j’en exprimai le suc dans un ragoût de viande que mon cuisinier m’avait préparé, et je le donnai à des chiens. Ils n’avaient pas encore fini de manger, qu’ils tombèrent sans mouvement. Le fils et le neveu du soba, qui entrèrent dans ma tente au même moment, connurent, par le genre de mort de ces animaux, qu’ils avaient été empoisonnés avec le suc du nangué. Ils devinrent furieux, et m’adressèrent des menaces terribles. Je prévis alors les conséquences que pouvait avoir pour moi cette simple expérience chez un peuple cruel, qui profiterait avec joie de cette circonstance pour m’assassiner. Il me restait un seul moyen de salut, je l’employai. Je présentai aux deux jeunes gens un verre de tafia, après en avoir bu la moitié. Je me fis apporter quelques pièces d’étoffe, et les leur offrant, je les engageai à les accepter comme une marque de souvenir des services qu’ils m’avaient rendus. Je vis leur colère diminuer, et j’ajoutai que je n’avais donné ce ragoût aux chiens que pour connaître la vertu du nangué, à laquelle je ne croyais pas. L’un d’eux se leva aussitôt, et prenant les deux chiens, il les précipita dans la rivière, pour que leurs maîtres ignorassent comment ils étaient morts, et ne pussent même pas me soupçonner. Je versai ensuite à boire à mes hôtes, et je vis qu’ils étaient très satisfaits de moi.

Je voulus ensuite connaître la vertu d’un bois appelé uka,