Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/470

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
455
LETTRES PHILOSOPHIQUES.

La philosophie politique de M. Royer-Collard manque donc au fond de profondeur et de portée ; elle s’enveloppe de formes métaphysiques, mais elle n’a pas la force de la vraie spéculation, elle flotte entre des souvenirs historiques et la bonne volonté d’une philosophie rationnelle ; elle n’a ni la poésie du passé, ni l’indication des routes futures ; c’est un je ne sais quoi consciencieux et honnête, auquel la puissance a manqué.

En effet, monsieur, ce qui recommandera long-temps M. Royer-Collard, je ne dis pas à la dernière postérité, mais à son époque, c’est la probité de ses intentions, une droiture qui l’a souvent animé d’une éloquence noble contre les folies de la contre-révolution ; ce publiciste est excellent quand il résiste à une erreur. La défensive convient à son talent ; c’est ainsi que dans un discours qu’il prononça, le 12 avril 1825, sur la loi du sacrilège, il a trouvé de belles paroles sur le spiritualisme chrétien, sur ces sociétés qui vivent et meurent sur la terre, sur la vérité qui n’est pas de ce monde, sur cette loi impie et matérialiste qui ne croit pas à la vie future et qui anticipe l’enfer.

Des amis un peu imprudens ont comparé le style de M. Royer-Collard à celui de Pascal ; je lui trouverai plutôt quelque analogie avec celui de Nicolle. Il y a dans Pascal une indépendance et une hauteur de pensées qui dépassent les proportions du publiciste contemporain. Dans son scepticisme, dans son combat pour conquérir la foi, dans sa douleur de n’en pas goûter tous les charmes, Pascal est parfois un poète aussi audacieux que Byron ; on peut surprendre chez lui une mélancolie effrénée, qui passe par-dessus le christianisme pour se plonger dans un désespoir sans bornes et sans rivages. Mais Nicolle est incapable de pareils écarts : sobre et modeste, doué d’une sagacité exacte, animé d’une résignation régulière, il ne dépasse jamais l’horizon auquel ses yeux sont accoutumés ; pas d’élan de curiosité chez cet excellent janséniste, pas de pétulance d’imagination, pas d’éclats de douleur ou d’enthousiasme ; il chemine dans la vie et dans ses livres avec une monotonie qui est pour lui une affaire de conscience. C’est avec Nicolle que je trouve à M. Royer-Collard plusieurs traits de ressemblance, et je ne se-