Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/484

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
469
UN TOUR DE MATELOT.


eût été accompli. Les noms qu’on vient de lire sont ceux d’aspirans de marine, qui s’étaient ralliés avec enthousiasme au projet de liberté, comme l’avaient fait Legras et Euryeul, que l’on connaît déjà. Ces quatre jeunes officiers étaient braves, déterminés. On ne les vit pas hésiter un moment. Après avoir mis dans leur confidence des matelots et quelques soldats, ils attendirent que le jour arrivât de cette expédition tant désirée.

Ce jour se fit long-temps souhaiter ; et, pendant quelques semaines, que fit-on à bord de la Vieille-Castille ? On tua le temps, comme on faisait depuis la triste journée de Baylen. Les prisonniers s’étaient créé des occupations conformes à leurs goûts. Danse, lectures, concerts et jeux, se partageaient les heures et les esprits ; puis la discussion, les nouvelles, les suppositions, les espérances, le spectacle de ce qui se passait sur la rade et sur la côte nord de la baie. Des longues vues braquées, au bout desquelles l’imagination faisait mouvoir des bataillons, donnaient l’état de l’armée d’Andalousie aux pauvres détenus du ponton, qui espéraient de l’arrivée de l’empereur un heureux amendement à leur sort ; et, quand l’œil fatigué n’apercevait plus que la mer battant doucement la grève de Sainte-Catherine, la poussière s’élevant au loin en tourbillons, et quelques bâtimens ennemis croisant à l’entrée de la rade, comme des oiseaux de proie qui épient leurs victimes, des soupirs de découragement, de violentes imprécations contre les geôliers, échappaient à toutes les bouches.

Mais il ne fallait pas mourir de consomption : il fallait au contraire vivre pour se délivrer et aller courir encore les hasards de la gloire. La gaîté reprenait donc le dessus. Tout le monde se mettait en frais et apportait à la masse commune son contingent de talens récréatifs : c’était une trêve aux petites tracasseries, aux querelles souvent sérieuses que faisait naître la grande question de l’évasion. On s’oubliait alors, on s’étourdissait, on buvait la joie dans un punch rare, joie factice, peu durable,

    passé dans l’armée de terre, où ils sont, je crois, capitaines. M. Dumoustier est capitaine de frégate.