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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

vore, et la perte de son amant, décide Arthur à rester, et à devenir son gendre. Il y a plusieurs scènes entre les deux femmes plutôt indiquées que faites. Enfin vers la fin du troisième acte, Arthur parti pour la campagne avec son beau-père et Amélie, à cheval près de la voiture qui les emmène, prétexte un faux-pas de sa monture et revient à Paris. Teresa est seule et sans défense : il pénètre dans son appartement et l’adultère se consomme.

Au quatrième acte, les deux coupables sous le poids du remords trahissent leur faute par les soins même qu’ils prennent pour la cacher. Amélie dont les yeux se dessillent par un instinct mystérieux, se résout à dérober un portefeuille de son mari. Au moment où elle va l’ouvrir et s’éclairer, entre son père ; elle se trouble, balbutie quelques réponses confuses, et finit par lui livrer le portefeuille. Aux premiers mots d’une lettre, le baron Delaunay ne peut plus douter de son déshonneur et du malheur de sa fille : ils sont trahis tous deux ! Il n’a bientôt plus qu’un désir, qu’une idée : la vengeance ! Tout lui est bon pour punir l’injure qu’il a reçue. Le plus léger prétexte lui suffit pour provoquer son gendre. Au moment où Arthur reçoit les félicitations de ses amis sur la décoration qu’il vient de recevoir avec le titre de conseiller d’état, il raille amèrement et à haute voix sa promotion, et l’amène enfin à la nécessité de se battre avec lui. Cette scène bien amenée serait belle et grande sans la déclamation qui la dépare et qui malheureusement est applaudie.

Au cinquième acte, Delaunay, prêt à se battre en duel avec son gendre hésite et chancelle. Faire sa fille veuve ou orpheline ! Cruelle et déchirante alternative. Il ne se battra pas. Il fait appeler Arthur, et lui adresse des excuses pour l’insulte de la veille. Arthur se jette aux genoux du vieillard et confesse son crime. La scène est admirable : il n’y a rien, dans Shakespeare ou dans Corneille, qui émeuve plus profondément, ni qui élève l’âme à de plus sereines régions. Cette magnanimité de malheur arrache des larmes de tous les yeux. Teresa survient. La rougeur lui monte au front. Elle succombe sous la honte et s’empoisonne en reprochant à son amant son indigne lâcheté.