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J’avais tiré un grand éclat de tout cela ; ils devaient avoir peur de moi plus que je n’avais d’eux. En effet le landgrave de Hesse, qui était encore un jeune seigneur, demanda à m’entendre, vint me trouver, causa avec moi, et me dit à la fin : — Cher docteur, si vous avez raison, que notre seigneur Dieu vous soit en aide !

J’avais écrit, dès mon arrivée, à Sglapian, en le priant de vouloir bien venir me trouver selon sa volonté et sa commodité ; mais il ne voulut pas : il disait que la chose serait inutile.

Je fus ensuite cité et je comparus devant tout le conseil de la diète impériale dans la maison de ville, où l’empereur, les électeurs et les princes étaient rassemblés. Le docteur Eck, official de l’évêque de Trèves, commença, et me dit : — Martin, tu es appelé ici pour dire si tu reconnais pour tiens les livres qui sont placés sur la table ; et il me les montrait. — Je le crois, répondis-je. Mais le docteur Jérôme Schurff ajouta sur-le-champ : Qu’on lise les titres. Lorsqu’on les eut lus, je dis : Oui, ces livres sont les miens.

Il me demanda encore : Voulez-vous les désavouer ? Je répondis : Très gracieux seigneur empereur, quelques-uns de mes écrits sont des livres de controverse, dans lesquels j’attaque mes adversaires. D’autres sont des livres d’enseignement et de doctrine. Dans ceux-ci, je ne puis, ni ne veux rien rétracter, car c’est la parole de Dieu ; mais pour mes livres de controverse, si j’ai été trop violent contre quelqu’un, si j’ai été trop loin, je veux bien me laisser instruire, pourvu qu’on me donne le temps d’y penser. On me donna un jour et une nuit.

Le jour d’après je fus appelé par les évêques et d’autres qui devaient traiter avec moi pour que je me rétractasse. Je leur dis : La parole de Dieu n’est point ma parole ; c’est pourquoi je ne puis l’abandonner. Mais dans ce qui est au-delà, je veux être obéissant et docile. Le margrave Joachim prit alors la parole et dit : Seigneur docteur, autant que je puis comprendre, votre pensée est de vous laisser conseiller et instruire, hors les seuls points qui touchent l’Écriture ? — Oui, répondis-je, c’est ce que je veux.

Ils me dirent alors que je devais m’en remettre à sa majesté