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PHILOSOPHIE DE FICHTE.

médiat, ce qu’elle sera, elle le sera encore, parce que, dans cet avenir immédiat, elle aura été telle qu’elle aura été ; et de même aussi à l’infini.

La nature accomplit ainsi sans repos une éternelle évolution, et les modifications que tour-à-tour elle présente, loin d’éclore au hasard, sont au contraire assujéties à de rigoureuses lois de succession. Chacune d’elles est ce qu’elle est nécessairement, et ne saurait être différente. Les apparences visibles sous lesquelles se montre successivement l’univers forment une chaîne fermée, dont chaque anneau, déterminé par celui qui le précède, détermine celui qui le suit, et toutes se tiennent si intimement, que, de l’état extérieur de l’univers dans un moment donné, on pourrait remonter par la réflexion à tous les états divers par lesquels il a dû passer avant cet instant, ou deviner tous ceux par lesquels il devra passer après cet instant. Il suffirait, dans le premier cas, de vouloir se rendre compte de l’enchaînement des causes qui ont fait le présent ce qu’il est, dans le second, de suivre dans leurs développemens les effets qu’aura dans l’avenir ce présent lui-même. Dans chaque partie je puis donc retrouver le tout, car c’est le tout qui fait cette partie ce qu’elle est ; par cela même, ce qu’elle est, elle l’est nécessairement.

Toute modification de l’être me fait donc toujours supposer l’être. Toute circonstance extérieure me force à remonter par la pensée à une autre circonstance qui l’a précédée. Les choses qui sont me contraignent irrésistiblement de croire que d’autres choses ont été. C’est en cela que se résume en définitive tout ce qui précède. Mais, comme du plus ou moins de lumière jetée en ce moment sur ce seul point, il ne serait pas impossible que dépendît le succès de mon entreprise tout entière, je m’y arrêterai quelques momens encore, pour n’y rien laisser d’obscur.

Pourquoi ? en vertu de quelle raison les modifications des objets extérieurs sont-elles, dans le moment où je les vois, telles que je les vois ? C’est là ce que je me suis d’abord demandé. Et à cela tout aussitôt sans hésiter, sans m’arrêter un seul instant à en rechercher la preuve, j’ai répondu, comme chose absolu-