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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/590

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PHILOSOPHIE DE FICHTE.

nifeste dans la nature entière. Le moment de ma naissance, ainsi que les attributs essentiels qui me constituent et avec lesquels je suis venu au monde, ont dû être déterminés par cette force, et il en est de même aussi sans doute de toutes les façons diverses par lesquelles ces attributs se sont jusqu’à présent manifestés dans le monde, de toutes celles par lesquelles ils s’y manifesteront à l’avenir. Il était de toute impossibilité qu’à ma place un autre naquit. Il serait de même de toute impossibilité que je fusse à un seul instant de mon existence autre que je ne suis en effet.

Mes actes, il est vrai, sont toujours accompagnés d’un sentiment de conscience ; ils le sont parfois de réflexions, de volonté, de résolution ; mais cela ne témoigne de rien autre chose que de certaines modifications de la conscience, et ne peut infirmer en rien ce que je viens de dire. Il est dans la nature des plantes qu’elles croissent et se développent ; il est dans celle des animaux qu’ils se meuvent volontairement ; c’est ainsi qu’il est dans la nature de l’homme de penser. Pourquoi supposerais-je que la pensée soit une chose qui appartienne plus en propre à l’homme que je n’ai supposé que la faculté de croître appartenait à la plante, celle de se mouvoir à l’animal ? Serait-ce parce que la pensée humaine est en elle-même plus noble, et chose d’un ordre plus relevé que l’organisation des plantes et le mouvement des animaux ? Ce serait là une raison qui ne mériterait pas d’avoir quelque influence sur l’esprit d’un observateur impartial et de sens rassis. Serait-ce parce que je ne puis me rendre compte comment il se ferait qu’une intelligence en dehors de l’homme pensât dans l’homme ? Mais puis-je me rendre un compte plus satisfaisant de la façon dont il se fait que d’autres forces, dont le siége n’est pas davantage dans les plantes ou les animaux, fassent pourtant croître les plantes et mouvoir les animaux. Ne faut-il pas admettre une fois pour toutes que les forces primitives de la nature sont inexplicables en elles-mêmes par la raison que ce sont elles qui servent à tout expliquer ? Quant à faire naître la pensée du contact de la matière avec la matière, je n’y songerai même pas. Je n’y songerai pas du moins avant de m’être expliqué, d’une façon plus satisfaisante que je ne l’ai