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fait jusqu’à présent, la naissance et le développement d’une simple mousse. La pensée existe donc absolument de même que la force d’organisation. Comme cette dernière, elle est naturelle, car c’est sous l’empire des lois naturelles que se développe l’être pensant ; c’est aussi dans le domaine de la nature qu’elle se trouve, qu’elle existe. En un mot, il y a dans la nature une force pensante primitive tout aussi bien qu’une force d’organisation primitive.

Les forces primitives de la nature, et par conséquent aussi cette force de la pensée, rayonnent en tous sens dans l’immensité, et tendent à se manifester en subissant des modifications diverses, en revêtant les formes les plus variées. Moi, par exemple, je suis une manifestation de la force d’organisation de la nature, de même que la plante ; je suis une manifestation de sa force motrice comme l’animal ; et outre cela, je suis encore une manifestation de sa force pensante. C’est la fusion de ces trois forces en une seule force ; c’est le développement harmonique de cette force complexe qui constitue le caractère distinctif de l’espèce d’êtres à laquelle j’appartiens. La plante a de même pour signe caractéristique d’être une manifestation de la seule force d’organisation de la nature.

En moi l’organisme, le mouvement et la pensée ne dépendent pas l’un de l’autre, ne dérivent pas l’un de l’autre. Ce n’est pas parce que l’organisme et le mouvement existent que je les pense : réciproquement ce n’est pas parce que je les pense qu’ils existent. Mais l’organisme, le mouvement et la pensée constituent les développemens parallèles et harmoniques de cette force dont la manifestation est nécessairement un être de mon espèce, dont la destination est inévitablement de créer des hommes. Il naît au-dedans de moi une pensée absolument : un organe lui correspond absolument ; puis un mouvement s’en suit absolument aussi. Ce que je suis, ce n’est pas ce que je pense l’être que je le suis. Ce n’est pas non plus parce que je le suis que je pense l’être, ou que je veux l’être ; mais je suis et je pense : les deux choses absolument. Toutes deux l’existence et la pensée découlent d’une source plus élevée que l’une ou l’autre.