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vous détailler une à une toutes les impressions qui se sont manifestées ou se manifesteront dans la conscience de cet individu.

Examinons maintenant ce qu’on appelle vouloir. Vouloir, c’est avoir la conscience immédiate d’une certaine activité, que développent au-dedans de moi les forces de la nature que je recèle : la conscience immédiate de l’effort de l’une ou l’autre de ces forces à se manifester, lorsque, par une raison quelconque, aucun effet ne s’ensuit, est le penchant, le désir ; la conscience de la lutte de forces opposées, l’indécision ; la conscience du triomphe de l’une ou l’autre, la résolution, la détermination. Alors, si les forces qui font effort et tendent à agir sont celles qui nous sont communes avec les plantes et les animaux, nous éprouvons au-dedans de nous une sorte de dégradation intérieure. Il nous semble que nous soyons en quelque sorte entraînés au-dessous du rang qu’il nous est donné d’occuper dans la hiérarchie des êtres, par des désirs, des penchans vulgaires, ignobles, qui sont inférieurs à la dignité de notre nature, qu’on peut appeler bas, suivant une façon de parler ordinaire. Mais si c’est au contraire la force tout entière, essence, âme de l’humanité qui demande à se développer dans son harmonieuse complexité, les désirs, les penchans qui se manifestent alors en nous, sont d’accord avec notre nature intime ; on peut fort bien dire d’eux qu’ils ont de la noblesse, de la dignité, de l’élévation. Cette force tend sans cesse à se manifester, et cette tendance à l’action est l’instinct moral avec lequel nous naissons tous. Les déterminations vertueuses, puis la pratique des vertus, sont les degrés de son développement. Le désaccord, le manque d’harmonie entre nos forces de diverses sortes empêche, paralyse nos vertus. Le triomphe de celle de l’espèce inférieure est vice ou défaut.

Dans toutes circonstances, la force, qui demeure victorieuse, l’est nécessairement. Le rapport où elle se trouve avec l’universalité des choses exige ce triomphe. Ce même rapport détermine donc aussi nécessairement nos vices et nos vertus ; chaque individu naît irrévocablement prédestiné aux unes ou aux autres. Donc aussi, de la courbure d’un muscle ou d’un pli d’un cheveu du premier homme venu, l’intelligence universelle saura vous dire