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PHILOSOPHIE DE FICHTE.

tout ce que cet homme aura fait de bien ou de mal du moment de sa naissance à celui de sa mort. Pour cela, la vertu ne cesse pas d’être vertu et le vice d’être vice. Pour l’être nécessairement, l’homme vertueux et le méchant n’en sont pas moins, l’un une noble, et l’autre une haïssable et méprisable créature.

Magnifique et douloureux témoignage de la noblesse de notre nature, le repentir n’en existe pas moins. Le repentir est l’amer sentiment qu’éprouve dans sa défaite l’humanité vaincue. C’est aussi la conscience de sa persistance dans un effort qu’elle sait pourtant devoir demeurer stérile. C’est en outre la source de cette conscience morale que nous voyons en tous les hommes, mais toujours à des degrés différens : chez les uns effacée, presque nulle ; chez d’autres toujours visible, toujours brillante jusque dans leurs moindres actions. L’homme placé le plus bas, parmi les hommes, est celui qui est le moins capable de repentir, car en lui l’humanité manque de force pour combattre les désirs et les penchans qui le rapprochent des animaux. Nos forces s’accroissent, s’étendent par de fréquentes victoires. Elles s’énervent au contraire dans la défaite ou le repos. À la suite du vice ou de la vertu et leurs conséquences naturelles, je vois le châtiment ou la récompense : mais les idées de culpabilité ou d’imputabilité ne me semblent avoir de sens que dans leurs rapports avec la société. Celui dont les actes sont incompatibles avec l’ordre général, celui qui contraint la société à employer contre lui une partie de ses forces, celui-là est coupable. Il est justement puni ; il y a lieu à lui imputer.


Me voilà au bout de mes recherches. Ma curiosité est satisfaite, je sais ce que je suis en général, et je sais aussi ce qui constitue les êtres de mon espèce : je suis la manifestation d’une force déterminée de la nature, manifestation déterminée elle-même par ses rapports avec l’universalité des choses. Je ne puis comprendre par leur cause les modifications qui surviennent en moi, car il ne m’est pas donné de pénétrer dans les mystères de