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DE LA LITTÉRATURE MARITIME.

moyen de phares insidieux, le navire égaré sur les côtes brumeuses de l’Armorique.

Ici il n’y a qu’à se baisser et prendre dans les chroniques bretonnes. À la manière de Salvator-Rosa, vous trouvez les châteaux aiguisés que ronge la brume, le seigneur qui allonge le regard sous les paupières de fer de son casque, la torche qui brûle à l’endroit où l’on périt, le vaisseau gris qui vient bondir sur les brisants, appelé par la perfide lueur.

Allez voir le magnifique château de Kéruséré sur la côte de Paimpol.

Après Charlemagne, dont une des plus grandes pensées navales fut de joindre, le Danube au Rhin, ou l’Océan à la mer Noire ; après Philippe-Auguste ; après saint Louis et ses dix-huit cents vaisseaux partant pour la conquête de Damiette, après Charles vii et Louis xi qui ne relevèrent pas la marine française, malgré la leçon donnée au roi Jean, et, malgré la flotte de Charles vi, si formidable, qu’un historien a dit qu’elle aurait pu servir de pont de Calais à Douvres, arrivent François i et Doria, créateurs d’une marine brave, mais mal servie ; on le conçoit. À cette époque, de renaissance pour les arts, il était de bon goût de donner aux vaisseaux la forme d’un monument, et de confier le titre d’amiral à un homme de cour. Le carraquon de François i ressemblait à une maison ; il avait trois rangs de croisées.

Ayant promis de ne pas écrire l’histoire de la mer, nous ne donnerons pas un plus long aperçu de nos forces navales sous les différents rois de la troisième race. Bornons-nous à dire ici que leurs progrès furent si lents, que ce fut seulement sous Louis xii qu’on imagina les sabords.

Après les frères de la Merci, la pensée saute, par la sympathie de l’antithèse, aux frères de la côte : voleurs de mer, primitivement connus sous les titres de boucaniers et de flibustiers. Ainsi, après l’épopée, voici le drame, et quel drame ? Il en est peu d’aussi prodigues en événemens, d’aussi romanesques, d’aussi fous, d’aussi sanglans : toute une bibliothèque de romans est là. La matière dont Walter Scott s’est si heureusement